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LE PARTI LÉGITIMISTE ET LE JACOBITISME.

ne trouvez parmi eux ni deux idées ni deux esprits d’accord. Ils ont trois ou quatre journaux qui, par leurs dissensions violentes, ont récemment mis à nu cette confusion, à l’édification durable du public.

Il ne suffit pas en effet de dire que la légitimité est un principe ; il faut le prouver. Sur quoi donc les légitimistes appuient-ils le principe de la transmission héréditaire du pouvoir royal ? Les légitimistes auraient sur ce point une doctrine caractéristique s’ils l’établissaient, comme ils le faisaient autrefois, sur la consécration du droit divin ; or, cette doctrine grosse de tyrannie, s’il en est qui la professent in petto, personne n’a la hardiesse de l’avouer. Le dernier duc de Fitz-James et M. de Châteaubriand l’ont solennellement répudiée. Mais si cette loi n’est plus à leurs yeux qu’une garantie d’ordre, qu’une mesure de sûreté stipulée et acceptée par la société dans l’intérêt de sa conservation, si l’intérêt du pays est mis ainsi au-dessus d’un droit qui ne procède que de cet intérêt même, quelle objection sérieuse opposent-ils à l’établissement de juillet, lequel, en substituant une famille intelligente, élevée dans les idées et dans les mœurs de la France nouvelle, à une race abâtardie qu’une impuissance d’esprit avérée et des préjugés invétérés rendaient incompatible avec la France, n’a fait évidemment que réparer et affermir les garanties de conservation qu’un peuple demande au pouvoir royal ? Il n’est donc plus question pour les légitimistes de la sauve-garde d’un intérêt national, il n’est plus question de principe ; la question de dynastie exprime chez eux des inclinations purement personnelles ou d’amers regrets d’intérêts privés. Ainsi subjugués dès leur point de départ par l’esprit de l’époque, il est curieux de voir leurs tiraillemens entre leurs vieilles idées et les volontés notoires de la France, et les vains efforts qu’ils font pour les dissimuler dans leurs théories contradictoires sur le gouvernement représentatif. Toutefois leur métaphysique sur l’accord de la liberté indépendante avec la royauté indépendante est trop peu intelligible pour être amusante. À chaque instant, on serait tenté de leur dire, en variant, le mot de Mme de Sévigné sur les disputes de la grace : « Épaississez-moi un peu votre politique, qui s’évapore toute à force d’être subtilisée. » Grace à Dieu, cette politique est épaissie à souhait, épaissie en faits qui ne sont rien moins qu’ambigus dans l’histoire de la restauration. Là est le seul commentaire compréhensible des principes des légitimistes ; le pays n’en demande jamais d’autre pour savoir à quoi s’en tenir sur leur compte. Ils ont beau faire sonner de superbes professions de dévouement à la liberté, à l’honneur, à la puissance de la France ; ils sont dans le rôle de tous les partis mis à la