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LE PARTI LÉGITIMISTE ET LE JACOBITISME.

ment augmenté par la défiance que leur inspiraient les whigs, dévoués à la révolution et à la succession hanovriennes, qui recevaient des dissidens, des dissenters, un appui actif et persévérant. Les gentilshommes de campagne, les country-gentlemen, unis au clergé de l’église établie par un rapprochement continuel et par des intérêts communs, comptant la plupart les souvenirs des prouesses de leurs pères, vaillans cavaliers au service du roi martyr, comme la plus noble gloire de leurs familles, voyaient d’un œil également jaloux, chez les whigs, les familles industrielles et commerçantes dont la guerre avait accru les richesses, tandis qu’elle avait augmenté les impôts, et avait laissé, chose effrayante à cette époque, où elle était sans précédens, une dette énorme à la charge de l’Angleterre. Les country-gentlemen, épouvantés, craignaient que leurs propriétés ne fussent l’hypothèque naturelle que dévorerait cette charge nationale. Fielding a dépeint comiquement l’étendue et la portée de leurs craintes dans son squire Western, qui croit sérieusement qu’avec la succession hanovrienne il s’agit pour lui de voir transporter ses terres en Hanovre. En arrivant au pouvoir avec le parti tory, à la tête duquel ils venaient de se placer par ambition, Harley et Bolingbroke durent songer à terminer le plus promptement possible la guerre avec la France, qui, en donnant nécessairement la conduite des armées au duc de Marlborough, laissait aux mains des whigs le plus puissant instrument de leur influence. La nécessité de la paix avec la France porta Harley à se mettre en rapport avec la famille exilée. Dès 1710, Harley, par l’intermédiaire d’un agent jacobite, l’abbé Gaultier, faisait une ouverture au maréchal de Berwick, frère naturel du prétendant, pour traiter de la restauration des Stuarts à la mort d’Anne. Harley obtint par-là pour son administration le puissant appui des jacobites : c’était d’ailleurs le seul but qu’il eût en vue, et ses lenteurs et ses hésitations finirent par dégoûter les Stuarts ; mais ils trouvèrent dans Bolingbroke, qui songeait déjà à supplanter Harley, un allié plus dévoué et plus hardi. Bolingbroke avait mis dans la conclusion de la paix avec la France, que ses attributions le chargeaient particulièrement de traiter, toute la vivacité de son ardent caractère : il comprenait qu’il devait être suspect à la maison de Hanovre et n’avait rien à attendre d’elle, tandis qu’il serait tout sous les Stuarts restaurés par lui. Aussi, il résolut de seconder de tout son pouvoir les plans des jacobites. Il se mit en communication avec leurs meneurs à la fin de 1712, et durant les deux années suivantes il est continuellement mentionné par les agens fran-