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LE PARTI LÉGITIMISTE ET LE JACOBITISME.

père au milieu d’une unanimité plus apparente que celle avec laquelle fut salué roi d’Angleterre un prince étranger et inconnu. »

Je n’ai pas l’intention de retracer ici les diverses péripéties à travers lesquelles le parti jacobite arriva, après de longues années, à son extinction complète. Cette page de l’histoire d’Angleterre serait sans doute intéressante à étudier, mais elle demanderait un travail plus étendu et plus approfondi. D’ailleurs, monsieur, vous y retrouveriez toujours la même différence entre le parti jacobite et le parti légitimiste, quant aux élémens de succès. Les chances qui soutenaient l’espoir des jacobites vous paraîtraient aussi nombreuses que celles des légitimistes sont illusoires. Vous savez combien elles furent formidables au moment où Charles-Édouard assimila à sa cause les griefs nationaux de l’Écosse. Certes, monsieur, les légitimistes peuvent se vanter à leur aise de ne plus songer à recourir à des moyens qui sont en réalité au-dessus de leur atteinte : à qui persuaderont-ils qu’ils n’envieraient pas la situation des affaires jacobites à l’époque de la prise d’armes des Highlands, lorsque peu d’années auparavant Robert Walpole croyait les amis des Stuarts encore assez dignes d’être ménagés en Angleterre pour écrire de sa propre main au prétendant une lettre pleine de protestations de dévouement. Un orateur devant qui des légitimistes répudiaient pour leur cause l’appui de l’étranger a pu leur répondre avec raison que cette intention était d’autant plus méritoire de leur part qu’ils abdiquaient ainsi leur unique chance de succès : lorsque je les entends déclarer qu’ils sont résolus à ne poursuivre leur but que par les voies légales et pacifiques, je vous avoue que ce n’est pas de leur abnégation que je leur fais compliment, puisque leur impuissance à exercer une perturbation sérieuse est bien mieux prouvée que leur amour de l’ordre. C’est au moins leur crédulité que j’admire, s’ils s’imaginent que, par la persuasion pacifique, ils amèneront les classes moyennes à préférer un prince élevé hors de France, entouré d’un bataillon sacré de gentilshommes, à une famille élevée au milieu d’elles, dont tous les intérêts sont solidaires de leurs intérêts, dont l’alliance avec elles a été cimentée par la communauté du péril et du triomphe, qui a si puissamment concouru à leur assurer la liberté par l’ordre, tandis que la branche tombée avait déchaîné sur elles le désordre par ses entreprises contre la liberté. Il est peu étonnant d’ailleurs que l’on caresse des illusions de ce genre, lorsqu’on est réduit à ces positions malheureuses où variant la chute du sonnet d’Oronte, on espère surtout en raison des motifs que l’on a de désespérer.

En résumé donc, monsieur, que nous donnent à appréhender les