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chez Fornasari, destiné plutôt à tenir un rang honorable dans l’emploi de basso serio ; et l’impassibilité de sa physionomie, non moins que le ton caverneux de sa voix, se trouveront ici parfaitement de mise, grace au caractère excentrique du personnage.

Le Théâtre-Italien commence une des plus belles campagnes qu’il ait encore parcourues. Cette réforme de la troupe, qui pouvait amener dans son public de fâcheuses hésitations, ne trouve aujourd’hui que des gens qui l’approuvent. Le moment était venu de se rajeunir, tout le monde en convenait ; seulement, provoquer une crise au milieu d’une si évidente prospérité pouvait être dangereux. Heureusement la crise a tourné à l’avantage de l’administration, et le public, à l’heure qu’il est, lui en sait gré. Le public du Théâtre-Italien, fort lent dans ses adoptions, une fois qu’il a reconnu et proclamé trois ou quatre idoles, s’endort dans une sorte d’admiration béate, au point qu’il faut lui faire violence pour appeler son attention sur ce qui se passe en dehors de son cercle. En fait de talens nouveaux, on les lui impose plutôt qu’il ne les demande. Cette violence, l’administration du Théâtre-Italien a su l’exercer habilement à l’heure voulue, et le succès l’en récompensera.

Il s’en faut que la fortune de l’Académie royale de musique ait suivi depuis quelque temps une marche pareille ; ce théâtre de l’Opéra, que nous avons vu si splendide et si superbe autrefois, est aujourd’hui abandonné de tous : triste et lamentable décadence qui ne date malheureusement pas d’hier, et que les efforts les plus courageux, nous le craignons, auraient peine à conjurer désormais. Ce qui a manqué à l’Opéra, c’est justement cette activité opportune dont nous félicitions tout à l’heure l’administration du Théâtre-Italien, ce soin de pourvoir en un moment donné aux réformes de la troupe. L’ensemble des beaux jours se disloquait ou vieillissait, et, au lieu de se mettre en quête de jeunes talens, on se contentait de réparer ses brèches tant bien que mal avec ce qu’on avait sous la main, de telle sorte que les coryphées d’autrefois devinrent à leur tour des chefs d’emploi par droit d’ancienneté, absolument comme cela se pratiquerait dans une administration de douanes ou de poste. Qu’arriva-t-il ? les chœurs se dégarnirent sans profit pour les premiers rangs. Au temps où florissait l’Opéra, un ouvrage mis en scène avec quelque soin avait d’ordinaire une série de quinze ou vingt représentations d’un admirable ensemble ; à présent, cet ensemble n’existe pas même pour la première représentation. Qu’est devenu le fameux septuor des Huguenots ? où sont ces voix hardies qui menaient si vaillamment le finale de Don Juan ? Nous disions tout à l’heure qu’on n’avait pas su recruter de nouveaux talens : bien plus, il s’en rencontre un du plus bel avenir, on le décourage, on l’éloigne. Nous voulons parler de M. de Candia, qu’on s’efforçait dernièrement de rappeler à soi ; mais, à présent, c’est lui qui ne veut pas, et pourquoi voudrait-il ? Au Théâtre-Italien, M. de Candia n’a qu’une seule chance à redouter, celle de voir survenir un de ces ténors de haut vol