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REVUE. — CHRONIQUE.

M. Sauzet a été nommé. La gauche est restée fidèle à son chef, et les conservateurs, la grande majorité du moins, ont appliqué le principe beati possessores. Dans ce débat personnel, le ministère a paru s’effacer ; il a paru croire que ce n’était là qu’une affaire de chambre, qu’il n’avait qu’à laisser faire et à garder la neutralité.

En quittant la présidence provisoire, M. Laffitte a jugé à propos d’adresser à la chambre je ne sais quel petit discours politique qui l’a fort surprise et quelque peu indignée. Le fait est sans conséquence ; mais ce qu’il y a de curieux à remarquer, c’est cette manie que nous avons de faire en toute occasion des discours, et surtout des discours politiques. Est-on, par l’effet de l’âge, président d’une assemblée pendant quelques heures ? vite un discours politique. Fait-on un compliment du jour de l’an ? un préfet pose-t-il je ne sais quelle pierre ? Un maire ouvre-t-il une école ? encore et toujours des discours politiques. Chacun a des conseils à donner, une mission à remplir, des prophéties à faire entendre. On trouverait trop simple de mettre de l’à propos dans les choses et de faire chacun son métier.

La discussion de l’adresse fera bientôt oublier tous ces petits incidens et ramènera les esprits vers les grandes et sérieuses questions.

La chambre des pairs a déjà nommé la commission de l’adresse ; M. le duc de Broglie en est le rapporteur. La commission de la chambre des députés sera nommée après-demain.

C’est surtout cette année que l’adresse devra, ce nous semble, contenir deux ordres de paragraphes : ceux qui serviront de réponse aux paroles royales et ceux qui appelleront l’attention du gouvernement du roi sur des points que le discours du trône n’a pas signalés.

Sur les premiers, nous n’entrevoyons pas de graves débats, car les chambres ne voudront pas anticiper sur la discussion du budget et des autres lois spéciales que le discours de la couronne annonce ou suppose. Il ne peut donc y avoir que des paroles sans résultat, des généralités insignifiantes et sur nos finances, et sur l’Algérie, et sur l’instruction secondaire, et sur les traités de commerce.

Mais il est des points importans dont il n’a été fait aucune mention dans le discours du trône, et sur lesquels les chambres ne voudront pas, dit-on, imiter la réserve, fort naturelle d’ailleurs et fort convenable, du gouvernement du roi. L’opinion s’est émue du voyage des carlistes à Londres. Elle n’y a pas vu un danger, mais un scandale, une insulte à la dignité du pays, une bravade contre sa puissance. Toutes ces menées, si ridicules qu’elles puissent être, semblent n’avoir qu’un but, qui est de préparer une tentative criminelle, une tentative de contre-révolution pour ce jour de deuil que la Providence, nous l’espérons, éloignera de nous pendant long-temps encore. On a été surtout affligé de voir au nombre de ces voyageurs des hommes qui avaient prêté un serment formel, solennel, de fidélité au roi des Français. Décidé qu’il était à ne pas donner à ces faits l’importance qu’ils au-