Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
375
DE LA RÉFORME DES PRISONS.

çant dans le nombre des malfaiteurs, qui, après avoir infesté nos villes, vont encombrer les bagnes et les maisons de détention. Une réforme dans le régime des prisons y suffira-t-elle ? ira-t-elle jusqu’à la source du mal ? en embrassera-t-elle l’étendue ? Voilà des questions que tout le monde se pose, et que la commission a cependant laissées de côté. Par cela seul que la chambre était saisie d’un projet spécial, les commissaires auxquels l’examen en avait été renvoyé n’ont pas cru devoir porter leurs regards au-delà.

L’amélioration du système pénal est sans contredit fort désirable ; mais il y a autre chose à faire que de modifier la règle des prisons, et quand on concentre sur ce point tous les efforts du pouvoir législatif, l’on envisage l’état social par son côté le plus étroit : l’on autorise les plaintes souvent exagérées de ceux qui disent qu’il est bien autrement pressant d’empêcher les hommes de devenir coupables que de travailler à leur amendement après qu’ils ont été condamnés, et que les lacunes de l’éducation ainsi que les misères du travail doivent attirer d’abord l’attention du législateur. Sans élever ici une question de priorité entre des améliorations également urgentes, et en admettant même que l’instinct de sa conservation porte la société à s’occuper, avant toutes choses, de cette classe d’hommes qui est en guerre ouverte avec les lois, encore faudrait-il que la réforme ainsi comprise, une réforme qui négligerait les causes pour ne s’attacher qu’aux effets, allât jusqu’au bout dans cette direction, qu’elle pourvût au sort des condamnés à leur sortie de la prison comme pendant leur emprisonnement, qu’elle réglât en un mot la situation des libérés aussi bien que celle des détenus.

Nous ne disons rien de trop, quand nous estimons que ces deux mesures se tiennent. Il servirait de peu en effet de travailler à l’amendement des condamnés, s’ils devaient se trouver exposés après leur libération aux tentations du mauvais exemple et à celles du besoin ; par contre, les précautions les plus sages dans l’intérêt des libérés auraient un succès fort douteux, si la prison ne les avait déjà préparés aux épreuves d’une existence laborieuse et soumise aux lois. En supposant qu’il y eût nécessité de choisir entre ces deux termes de la réforme pénale, l’administration devrait certainement fonder des colonies de libérés avant de songer à construire de nouvelles prisons. On saisirait ainsi les malfaiteurs de profession au moment où ils redeviennent dangereux pour la société, et l’on couperait court à cette émigration régulière qui se fait du bagne dans le monde, au détriment du repos public. Avec les prisons les plus mal administrées, les con-