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DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

monarchie indépendante et de la liberté indépendante, il a fondé la Nation pour se faire écouter au nom des droits et des intérêts de tous, en enrôlant dans ce journal, en sa nouvelle qualité de démocrate, d’anciens rédacteurs de journaux républicains. La gloire et les intérêts de M. de Genoude sont sans doute au nombre des grands intérêts du pays, car la Nation est en quelque sorte une glose, un commentaire perpétuel des opinions et des variantes du propriétaire de la Gazette. Quoique s’annonçant comme très distincte de la Gazette, la Nation n’en est cependant qu’une annexe intime. La même rédaction, la même composition servent aux deux journaux, qui sont imprimés dans le même atelier ; les friandises politiques que la Gazette a offertes le soir comme un souper à ses lecteurs sont servies de nouveau le lendemain dans le journal des intérêts de tous avec un rabais de cinquante pour cent, et ce que la Nation donnait le matin, la Gazette le redonne le soir. Il peut y avoir confusion dans les principes, mais il y a du moins économie sur les frais. Dans la Gazette, la religion n’est qu’un accessoire de peu d’importance ; dans la Nation, qui est cependant spiritualiste et qui représente l’ame, on s’en passe. Dieu s’efface complètement devant M. de Genoude, lequel est déclaré solennellement un instrument providentiel, en attendant sans doute qu’on le proclame un messie. Les prophètes du néo catholicisme auraient-ils lu dans les lointains de l’avenir que le ciel veut faire de M. de Genoude le Monck ecclésiastique et plus tard le cardinal-ministre d’une restauration future ? Qui sait ? M. de Genoude lui-même a rêvé, dit-on, ces hautes destinées, et la calotte rouge du cardinal de Bérulle, qui figure dans son reliquaire, cache peut-être à ses yeux un mystérieux présage. En attendant qu’il soit cardinal-ministre, M. de Genoude, malgré son activité, ses efforts, n’a pu acquérir en politique la moindre situation, et il en est à peu près de ses journaux comme de ses candidatures. La Gazette décline, et la Nation est loin de prospérer. Cette feuille, pour se mettre en rapport avec le pays et arriver à la publicité, n’a pas trouvé de meilleur moyen que de se placer dans la compagnie et sous la protection des denrées coloniales. Elle se débite dans les boutiques qui sont le cimetière ordinaire des journaux et des livres, au prix modeste de 10 centimes, sans trouver pour cela beaucoup de chalands, car, malgré une adjonction récente, la Nation ne figure sur les tableaux du timbre que pour une moyenne de 2886 numéros par jour dans le dernier semestre de 1843[1], et, d’après les tableaux de la poste, elle expédiait, avant sa réunion avec l’État, 510 exemplaires, ce qui donne environ 6 abonnés par département. Depuis cette fusion, son chiffre postal est de 1015 ; elle servirait donc 500 abonnés de l’État, qui ne sont rien moins qu’assurés à la Nation.

La Gazette de France, on l’a vu, veut Henri V et la démocratie ; la Quotidienne, à son tour, demande avec Henri V la charte de 1814. Placé sous

  1. Sa moyenne normale n’est en réalité, pour les quatre premiers mois du dernier semestre de 1843, que de 2435.