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DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

mais certes on ne trouverait pas de bourreaux, car les persécutions sont également impossibles aujourd’hui, au nom de l’incrédulité comme au nom de la croyance. L’église, je le demande, a-t-elle jamais été plus libre, plus respectée ? On regrette pour elle la constitution de l’ancienne monarchie ! Pour être juste envers notre temps, il suffit de comparer la conduite suivie par les parlemens vis-à-vis du clergé et celle que suit à son égard le gouvernement qui nous régit. Refus de prières, refus de serment, déclamations violentes, invectives passionnées, on n’a rien épargné au pouvoir dans les premières années qui suivirent la révolution de juillet. Le pouvoir a-t-il songé un seul instant à punir ou à réprimer ? Quels sont d’ailleurs, entre les mains de l’état, les moyens de répression ? L’appel comme d’abus ! Est-il, je le demande, une arme plus inoffensive, et n’a-t-on pas vu tout récemment que ceux qu’elle frappe ne se tiennent pas pour blessés ? On accuse le gouvernement d’ériger l’impiété en système ! C’est méconnaître avec une insigne mauvaise foi la réalité des faits, car, dans les sessions législatives, les orateurs du gouvernement ont en toute occasion soutenu le clergé contre les attaques du vieux libéralisme, et l’on n’a point oublié ces paroles prononcées à la tribune par un homme d’état : « Le pouvoir doit rechercher l’alliance de la religion, car la religion, pour un fanatique qu’elle fait, donne à la société cent citoyens soumis aux lois, amis de l’ordre, ennemis du trouble et du cynisme. » S’il y a lutte aujourd’hui entre les deux puissances, de quel côté sont parties les premières hostilités ? L’état est-il jamais intervenu dans le domaine spirituel de l’église ? Ceux même qui protestent avec le plus de colère contre le concordat, et qui se disent enchaînés, commencent par déclarer que le concordat n’entraîne point obligation, et ils agissent en conséquence. Aux termes de la loi, le nombre des élèves dans les colléges ecclésiastiques est fixé à 20,000 ; il est aujourd’hui, assure-t-on, plus que triplé ; a-t-on cherché à appliquer les dispositions restrictives des lois ? L’église se plaint de manquer de tribunes ; elle a cependant 40,000 paroisses, un nombre double de chapelles, 600 séminaires ou colléges ecclésiastiques placés en dehors de tout contrôle, et quand l’état, pour éclairer une discussion législative, demande à l’église des détails qu’il est en droit d’exiger aux termes même de la loi, l’église refuse de répondre, et l’état n’insiste pas. L’église jette l’interdit sur les colléges : l’Université songe-t-elle à se venger par des exclusions ? Elle s’empresse au contraire d’ouvrir ses rangs aux prêtres que leur savoir appelle à la difficile mission d’élever et d’instruire la jeunesse française. Est-ce là de la tyrannie ?

Pour refuser à la société civile le droit de se gouverner par elle-même, on l’accuse de manquer d’unité, de force, et on lui montre la société spirituelle. Pourtant, cette admirable hiérarchie, cette discipline morale, qui ont fait dans le passé la force de l’église, n’ont-elles pas reçu de nos jours plus d’une atteinte ? et ne trouve-t-on pas dans la société ecclésiastique elle-même cette sourde inquiétude, cette impatience du présent, ces tiraillemens qui tra-