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DE LA QUESTION COMMERCIALE EN ANGLETERRE.

Ces circonstances accidentelles sont ordinairement ou une mauvaise récolte, ou une fluctuation du crédit, ou le contre-coup d’une crise commerciale qui éclate dans un autre pays. L’influence d’une mauvaise récolte est peut-être la plus funeste. Une mauvaise récolte est pour le capital national une perte sèche, une perte dont la valeur est déterminée par le prix total des produits exportés à l’étranger pour payer la quantité de blé qui manque aux besoins du pays. Qu’on juge des conséquences de faits semblables, lorsque les pertes qu’ils entraînent s’élèvent, comme cela est arrivé pour quatre mauvaises années, de 1838 à 1841, à environ un milliard de francs. Les mauvaises récoltes ne font pas seulement perdre au fermier ses avances et son travail, elles jettent dans l’industrie une perturbation prolongée. Dans le cours ordinaire des transactions commerciales entre diverses contrées, il y a de la part de chacune de ces contrées une demande des productions des autres proportionnée aux demandes que celles-ci leur adressent de leur côté. Lorsqu’il y a en Angleterre une mauvaise récolte, cet équilibre est rompu, et voici ce qui arrive. Si le déficit de la récolte crée pour l’Angleterre la nécessité de demander du blé à l’étranger pour une valeur d’un million de livres sterling par exemple, il ne s’ensuit pas pour cela que les marchés étrangers feront à l’Angleterre une demande nouvelle et extraordinaire d’un million de marchandises anglaises ; nullement. L’Angleterre doit un million à l’étranger. Ceux de ses négocians qui ont fait venir le blé donnent une prime, afin de se procurer le papier sur l’étranger dont ils ont besoin pour s’acquitter envers leurs correspondans. Une hausse sur le papier agit comme une prime pour l’exportation, et c’est ainsi que l’importation extraordinaire de blé étranger est suivie d’une exportation extraordinaire de marchandises anglaises Mais cette exportation, dépassant les besoins des marchés étrangers, surcharge bientôt ces marchés. Les prix des marchandises anglaises s’avilissent ; à l’impulsion soudaine imprimée au commerce extérieur succède la stagnation. Une plus grande quantité de marchandises paie une moins grande quantité de la dette contractée avec l’étranger. La balance des paiemens demeure défavorable à l’Angleterre. La prime donnée pour le papier sur l’étranger devient assez considérable pour couvrir les frais du transport des espèces ; les métaux précieux sont exportés ; les banques resserrent leurs émissions, afin, de conserver ou de réparer leurs réserves, le resserrement de la circulation fait tomber les prix sur le marché intérieur les marchandises ne peuvent plus se vendre, et les manufactures suspendent leurs travaux.