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rentrerait bientôt dans ses avances, que les frais de la préparation de l’exploitation coloniale seraient immédiatement couverts par les valeurs que créerait cette préparation féconde.

M. Gladstone dit, à bon droit, que la découverte de ce principe, — que les dépenses préparatoires de la colonisation peuvent être défrayées par la valeur vénale qu’elles donnent aux terres abandonnées d’un pays nouveau, — doit être regardée, dans la situation présente de l’Angleterre et du monde, comme une des plus importantes améliorations pratiques qui aient été encore effectuées dans la science sociale. Ce principe n’est pas une simple conjecture ; l’expérience l’a confirmé. L’émigration spontanée, livrée à ses propres forces, crée déjà, dans les colonies anglaises de l’Amérique du Nord et de l’Océanie, des valeurs vénales actuelles. En 1795, les États-Unis mirent fin aux concessions gratuites de terres publiques. Depuis cette époque jusqu’en 1840, date des dernières statistiques officielles, la vente des terres, dans l’Union, a produit la somme énorme de 580 millions de francs. Dans les colonies australiennes, la vente des terres publiques a produit, de 1833 à la fin de 1841, 50 millions de francs. Or, pour faciliter l’exploitation de ces terres, le gouvernement ne s’était pas chargé de ces premiers travaux qui découragent, lassent et dépassent quelquefois la patience et les moyens des émigrans livrés à leurs seules ressources ; il est donc indubitable que, s’il entrait dans le système indiqué par M. Gladstone, il obtiendrait des prix plus élevés sur la vente des terres auxquelles il donnerait une valeur immédiate, et qu’il rentrerait ainsi bientôt dans ses premiers débours. Ses avances, pour employer la métaphore de M. Gladstone, se reproduiraient avec usure comme une semence jetée sur un terrain fertile.

L’habile ministre du commerce ne se contente pas d’indiquer dans des termes généraux les mesures systématiques qu’il propose ; pour en mieux faire sentir la facilité pratique, il donne un exemple précis de l’application immédiate de ces mesures.

L’Angleterre a, sur la côte orientale de l’Afrique, entre le 29e et le 32e degré de latitude sud, de vastes possessions désignées sous le nom de pays de Natal, et auxquelles on a donné plus récemment le nom de province de Victoria. Cette province contient une surface de plus de six millions d’acres ; au nord de la province de Victoria s’étend une autre contrée immense où plusieurs grandes rivières prennent leurs sources, et la superficie totale des régions qui ont été acquises par l’Angleterre, dans cette partie dépeuplée de l’Afrique, par des achats ou des traités, est évaluée, dans des appréciations