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L’INDE ANGLAISE.

soutenir, il les appuie sur son alliance avec Dupleix, et dès-lors la France se trouve mêlée à une interminable guerre de succession. Les Anglais prennent parti pour le prétendant naturel, l’aîné des fils de Koulikhan, Nasir-Jung. Vaincu et fait prisonnier par son oncle, le jeune souverain fut délivré par un corps de huit cents Français, qui tombèrent au milieu des cent mille hommes du soubadar comme un obus. Dans sa reconnaissance, Mouzuffer-Jung céda à la France un district aux environs de Pondichéry, celui de Karikal, et la ville de Mazulipatam, puis retourna dans ses états suivi d’un corps de trois cents Européens, de deux mille cipayes, et de dix pièces de canon. Leur chef était ce Bussy, courtisan, diplomate, homme de guerre, qui domina de tout l’ascendant de sa supériorité le faible nabab dont il fut le soutien. Voici ce que dit de lui l’historien oriental Seer-Mutakkaen : « Il se plaisait à mêler la pompe asiatique à l’élégance française ; il portait des habits de brocard couverts de braderies et un chapeau galonné, des souliers de velours noir richement brodés. Quand il se laissait voir aux yeux du peuple, c’était au fond d’une immense tente haute de trente pieds, assez vaste pour contenir six cents hommes ; il était alors assis sur un fauteuil orné des armes du roi de France et placé sur une estrade élevée, couverte elle-même d’un tapis brodé de velours cramoisi ; à droite et à gauche, mais assis sur des chaises, on voyait une douzaine de ses principaux officiers. À l’entrée de la tente se tenaient sa garde européenne et sa garde hindoue… Il montait, pendant les marches ou les revues, un magnifique éléphant, tandis qu’une troupe de poètes et de musiciens le précédait, chantant ses louanges et les récens exploits des Français, ou bien de vieilles ballades guerrières. » Ce luxe, cette splendeur tout orientale, cette marche triomphale du général français monté sur un éléphant à la manière d’un satrape, ne nous éblouissent pas comme le naïf écrivain, mais nous aimons à retrouver dans ses lignes le portrait en pied d’un de ces hommes étranges, aventuriers par l’esprit, patriotes par le cœur, qui se grandissent de tous leurs efforts en honneur de la patrie, qui, hélas ! ne songe guère à eux ! C’est dans les salons, dans les réunions de la cour à Hyderabad que vit encore le souvenir de Bussy. Par son influence, il avait obtenu pour la compagnie française la cession de quatre importantes provinces qui nous rendaient maîtres, le tong des côtes d’Ovissa et de Coromandel, d’une étendue de pays de deux cent lieues sur une profondeur moyenne de vingt, territoire compact, défendu par la mer et par des montagnes inaccessibles, hérissé de forteresses. « Notre empire, ajoute, l’auteur du livre,