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L’INDE ANGLAISE.

dant le radja doit quitter sa résidence ; les troupes qui l’attendent sont rangées devant le palais ; les heures s’écoulent ; sous un soleil foudroyant, des soldats tombent frappés d’apoplexie. Que se passait-il donc dans la demeure du prince ? Le voici : « on sut enfin qu’une scène des plus déchirantes se passait dans l’intérieur de cette demeure royale. Le prince ne s’était rendu et n’avait ordonné à ses troupes victorieuses de nous livrer les passages que sous l’espérance, on ajoutait même sous la promesse formelle que ses erreurs seraient pardonnées, et qu’on ne le dépouillerait pas entièrement de ses états… La nouvelle que sa déchéance était prononcée lui avait été communiquée seulement le jour où l’on devait l’arracher à ses foyers. Alors sa douleur, sa rage, ses regrets d’avoir cru à la générosité anglaise ne connurent plus de bornes. Il se roulait dans des convulsions horribles, s’arrachant les cheveux, se tordant les mains, déchirant ses vêtemens. »

Comment, dans l’Inde surtout, se trouve-t-il des princes qui croient à la générosité anglaise ? Le pauvre radja se vit menacé ; il lui fallut monter dans son palanquin aux dorures royales, et son visage était baigné de larmes ; il détourna les yeux pour les porter sur son palais, sur la campagne, sur ces forêts natales qu’il ne devait plus revoir. — Ses sujets le virent partir pour l’exil avec les marques de la plus profonde douleur ; selon l’usage hindou, « ils se prosternaient dans la poussière en criant : Samy ! Samy ! Dieu ! Dieu ! » Et une dynastie de plus alla s’éteindre aux bords du Gange, dans cette ville sainte où l’Inde enterre l’un après l’autre tous ses rois ! — C’est ainsi que la compagnie combat, triomphe et traite avec les radjas. Cette expédition de Coorg n’est qu’un bien petit épisode des guerres dans l’Inde, mais il a le mérite de mettre en relief tous les traits caractéristiques d’une campagne de ce genre : le courage incontestable des officiers anglais, la faiblesse des troupes indigènes, les fautes commises par les chefs, supérieurs, souvent fort ignorans des localités, le bonheur qui accompagne presque partout les armes de la compagnie, et enfin son inflexible politique.

III.

Maintenant, abordons le tableau général de l’empire britannique dans l’Inde. C’est à la Russie que M. de Warren paraît s’adresser dans cette dernière partie de son livre ; nous avouons franchement que,