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le ferme hermétiquement et empêche vos yeux de pénétrer dans l’intérieur. C’est le volet de la maison qui s’ébranle : l’animal va bientôt se montrer. Regardez : au-dessous de ces opercules, vous apercevez comme des boutons ici d’un violet sombre ou d’un riche carmin, là d’une teinte bleue ou orangée, plus loin panachés de toutes ces nuances. Voyez-les grandir, s’épanouir peu à peu et déployer leurs branches de mille couleurs semblables, pour la forme, aux plumes de l’autruche ou du marabout. Vous venez d’assister à l’éclosion de véritables fleurs ; mais, bien plus parfaites que celles de nos parterres, ces fleurs sont animées. Au moindre choc, au moindre ébranlement du liquide, ces pétales brillans se reploient, disparaissent avec la rapidité de l’éclair, et, rentrant dans leurs tubes de pierre, bravent les ennemis du dehors sous l’abri de leurs opercules.

Aux annélides errantes se rattachent les chétoptères, que l’on dirait avoir été écrasés au milieu du corps et qui dans trois anneaux portent sur le dos leur intestin tout-à-fait à découvert ; les échiures, dont les affinités zoologiques ne se trahissent au dehors que par la présence de quelques crochets exsertiles et retractiles ; les siponcles, dont le corps cylindrique ne présente plus ni membres ni la moindre trace de division en anneaux ; les dujardinies, qui n’ont aucun organe respiratoire apparent, dont les pieds hérissés de longues soies ne servent nullement à la locomotion, et qui se meuvent dans le liquide à l’aide de petites couronnes de cils vibratiles disposées de chaque côté du corps comme les roues d’un bateau à vapeur. Aux annélides tubicoles appartiennent les chlorœma dont le sang est vert, dont le corps est entouré de poils feutrés dans une sorte de gelée transparente, et qui peuvent cacher leurs têtes, leurs branchies, dans une espèce de boîte formée de soies entrecroisées ; les amphicora, qui ont des yeux à l’extrémité de la queue aussi bien qu’à la tête ; les térébelles, qui réalisent la fable de Briarée, qui se construisent des demeures temporaires avec des grains de sable ou des débris de coquilles que leurs cent bras vont chercher quelquefois à plus de deux pieds de distance. À côté de ces deux groupes et formant deux types distincts, se placent les vers-de-terre, que tout le monde connaît, et les sangsues, dont la science médicale a poussé l’usage jusqu’à l’abus, et qu’il faut aujourd’hui envoyer prendre en chaise de poste jusque sur les frontières de l’Asie après en avoir entièrement dépouillé presque toutes les mares d’Europe.

Nous n’avons guère examiné jusqu’à présent que l’extérieur de nos annélides. Voulez-vous maintenant vous faire une idée de leur orga-