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Passons à l’appareil destiné à l’alimentation. Au fond de cette bouche en forme d’entonnoir, voici une grosse trompe munie de muscles puissans et armée de huit mâchoires cornées. Prenez garde à vos doigts : ces dents recourbées et aiguës pourraient très bien percer votre épiderme et vous pincer jusqu’au sang. Au-delà de la trompe, vous apercevez un œsophage, puis une série de grandes poches dont chacune correspond à un anneau et se trouve séparée de ses deux voisines par un fort étranglement. Vous voyez que l’animal dont nous faisons l’autopsie n’a pas moins de deux cent quatre-vingts estomacs.

Entre les muscles et l’intestin, à la face dorsale du corps, admirez ces deux vaisseaux sinueux remplis d’un sang vermeil. Ce sont deux grandes veines qui reçoivent de chaque côté le sang qui a servi à la nutrition, et a par conséquent besoin d’être à l’action de l’air. Un tronc veineux va le porter aux branchies que vous voyez former, de chaque côté du corps à partir du vingt-cinquième anneau, cette double série de houppes colorées alternativement d’une teinte écarlate ou ambrée, selon que le sang y afflue ou qu’il en est chassé. Un second vaisseau part de la branchie et vient s’ouvrir dans une grosse artère placée sur la ligne médiane au-dessous de l’intestin. De cette artère part de chaque côté et dans chaque anneau un gros tronc dont la base s’élargit, se renfle en ampoule, et par ses contractions chasse le sang dans les rameaux, qui le distribuent à tous les organes. Négligeons bien des détails : il reste encore à notre eunice, indépendamment des grands canaux qui vont d’un bout du corps à l’autre, cinq cent cinquante branchies, six cents cœurs, et autant d’artères et de veines principales.

Redoublons maintenant de patience ; cherchons à débrouiller ces faisceaux musculaires entrecroisés qui forment la chair des anneaux, qui mettent en mouvement les pieds, leurs deux paquets de soies aiguës et tranchantes, leurs quatre acicules coniques et robustes comme des épieux de chasseur. La partie charnue de chaque anneau ne compte pas moins de trente muscles distincts. Nous en trouvons dix à chaque cloison interannulaire. De chaque côté, deux grands muscles, s’attachant au centre de l’anneau et à la base des pieds, portent ceux-ci en avant ou en arrière. Une poche musculaire, composée d’une dizaine de faisceaux, entoure chaque paquet de soies, ainsi que les acicules, et sert à les pousser au dehors ; de chaque côté, huit muscles les ramènent en dedans et impriment des mouvemens aux diverses parties du pied. Ainsi chaque anneau est muni de cent vingt muscles, et si