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SITUATION DES PARTIS.

de s’en parer aux yeux de la chambre et du pays. Il fit plus encore, et sans doute pour reconnaître la visite d’Eu, le principe de l’alliance anglaise, de cette alliance si durement rompue en 1840, fut proclamé de nouveau. Ce n’était rien moins que l’oubli des justes griefs de la France, que l’abandon de la politique défendue par M. Guizot lui-même, et adoptée depuis trois ans par les chambres.

Ainsi, par présomption ou par légèreté, le ministère jetait un défi éclatant à l’opposition et la forçait à rentrer dans la lice. Grace à cet acte hardi, la question extérieure changeait de face, et tout le monde se trouvait placé sur un terrain nouveau. Il ne s’agissait plus de savoir si en 1840 on avait ou non bien fait de reculer devant l’Europe et d’abandonner au premier coup de canon tout ce qu’on avait soutenu. Il ne s’agissait plus de savoir si la politique modeste et tranquille était préférable à une autre politique, et si la France, satisfaite de s’enrichir, devait renoncer désormais à toute espèce de grandeur. Il s’agissait de décider s’il lui convenait d’aliéner son indépendance et de rentrer dans une étroite union avec la puissance même dont elle avait tant à se plaindre. Il s’agissait de rechercher comment ce rapprochement s’était opéré, à quelles conditions, et s’il offrait quelques chances de durée et de sécurité. C’était, on le voit, toute la politique de la France sur laquelle la chambre avait à se prononcer.

Il faut se hâter de dire qu’averti par le mécontentement même de ses amis, le ministère ne tarda pas à battre en retraite. Dans le bon temps du gouvernement représentatif, quand les ministres étaient susceptibles, je me souviens qu’ils se donnaient beaucoup de peine pour que l’adresse reproduisît fidèlement les phrases significatives du discours de la couronne. Ils ne se donnent pas moins de peine aujourd’hui, mais c’est dans un dessein tout contraire : ainsi, dans les bureaux, M. Guizot commença par déclarer qu’il y avait une énorme différence entre l’entente cordiale et l’union intime ; puis, dans les commissions des deux chambres, on travailla à découvrir deux mots qui, sans démentir positivement ceux qu’on avait employés, pussent passer aux yeux de quelques personnes pour les affaiblir et les atténuer. Ce fut donc au Luxembourg une intelligence amicale, au Palais-Bourbon un accord de sentimens ; mais à travers ces transformations successives l’union intime apparut toujours, et le débat ne put être évité. Or, ce débat, voici, en le réduisant à ses termes les plus simples, en quoi il consistait.

En 1840, disait l’opposition, l’alliance anglaise, après quelques années de froideur et de relâchement, s’est rompue par un acte que