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de la paix : voilà la vérité simple. Le ministère anglais le dit dans le discours du trône, et ne dit rien de plus. Seulement, comme il connaît son monde, il y joint, dans le débat, pour le pays quelques complimens, pour les ministres un certificat de patriotisme qui, venant d’une telle main, est certes d’un grand prix. Aussitôt l’opposition bat des mains, vise le certificat, et tout est consommé. C’est, de la part de l’opposition comme de celle du ministère, une conduite parfaitement sensée, d’autant plus sensée qu’ailleurs on en tient une toute différente.

Sur la question du droit de visite, il faut le reconnaître, la position du ministère français était plus difficile. L’an dernier, la chambre a chargé M. Guizot, qui ne partageait pas son opinion, d’obtenir l’abolition du droit de visite. Il fallait donc que M. Guizot ouvrît une négociation, il fallait de plus que cette négociation fût prise par la chambre pour sincère et sérieuse. Or, avant le débat, on doutait qu’elle le fût, et M. Guizot devait avoir à cœur de prouver qu’une telle méfiance était injuste. De là sans doute les déclarations si positives, si explicites qu’il a apportées à la tribune. De là la reconnaissance du caractère essentiellement temporaire des traités et de la faculté qu’aurait la France de s’y soustraire en vertu de son propre droit, si elle ne parvenait pas à les rompre de bon accord.

En présence de telles paroles, l’opposition a dû retirer l’amendement qu’elle proposait ; mais ces paroles, que M. Guizot ne s’y trompe pas, lui imposent l’obligation d’apporter l’année prochaine au plus tard une solution satisfaisante. Si l’on en croit ce qui s’est dit à la tribune anglaise, cette solution pourtant n’est ni prochaine ni probable. M. Guizot avait annoncé qu’une négociation était entamée, non pour modifier, mais pour abolir les traités de 1831 et 1833, en supprimant absolument le droit de visite. Lord Aberdeen annonce que le gouvernement français a exprimé le vœu que des modifications fussent introduites dans les traités de 1831 et 1833, sans en diminuer l’efficacité. Il ajoute que le gouvernement français, dans les propositions qu’il fera à ce sujet, prouvera sans doute son désir sincère de réprimer la traite. Selon lord Aberdeen, il ne s’agit donc que de modifications, et aucune proposition n’a encore été faite. Ce n’est pas là ce que la chambre comprenait quand, à la demande de M. Guizot, elle a voté unanimement le paragraphe de la commission.

Quoi qu’il en soit, je le répète, sur le droit de visite comme sur l’entente cordiale, M. Guizot a pris des engagemens sérieux, positifs, et qui ne pourraient pas être démentis impunément.