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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

patrimoine ne dépassait pas cent livres sterling de revenu. Telle était encore, à vingt-sept ans, la position de l’homme destiné à gouverner un jour son pays, lorsqu’en 1735 il fut envoyé à la chambre des communes par un bourg dont son grand-père avait fait l’acquisition, par Old-Sarum. On sait que ces bourgs pourris, comme on s’habitua plus tard à les appeler, étaient alors la seule porte ouverte pour les hommes à qui leur fortune ne permettait pas ces énormes dépenses, indispensables partout où l’élection avait quelque réalité.

Au moment où Pitt commença sa carrière politique, George II occupait depuis huit années le trône sur lequel la maison de Hanovre était montée vingt ans vaut auparavant dans la personne de son père. L’avénement de cette dynastie, véritable complément de la révolution de 1688, avait été par cela même l’avénement définitif du parti whig. Le parti tory, qui, sous le roi Guillaume et sous la reine Anne, avait pu lui disputer le pouvoir, se trouvait depuis lors réduit à une opposition impuissante, dont il ne devait plus sortir jusqu’au jour où les évènemens, en changeant complètement la face du pays, l’auraient lui-même absolument transformé. Ce jour était bien éloigné encore. Les tories, associés un moment à la révolution par le sentiment du danger dont le fanatisme imprudent de Jacques II avait menacé l’église anglicane, n’avaient jamais pu s’habituer aux résultats d’une catastrophe qui avait porté atteinte aux droits du trône, presque aussi chers à leur loyauté que ceux de l’église. Les doctrines de souveraineté nationale et de liberté populaire sur lesquelles se fondait le régime nouveau leur étaient souverainement antipathiques. Dominés par l’aversion profonde et instinctive qu’elles leur inspiraient, les uns avaient fini par s’unir aux partisans de la dynastie déchue et par conspirer avec eux son rétablissement ; d’autres, sans vouloir pousser aussi loin la réaction, avaient, à leur insu, concouru au même but en poussant le gouvernement créé par la révolution dans des voies qui ne pouvaient que le perdre, puisque c’étaient celles du système tombé, en s’efforçant de l’entraîner à professer des maximes incompatibles avec son existence, puisqu’elles étaient la négation directe des principes au nom desquels s’était faite cette révolution. Tous ou presque tous, dans les derniers instans de la reine Anne, lorsque la pensée de rappeler le prétendant pour écarter la maison de Hanovre avait paru acquérir quelque consistance et offrir des chances de succès, ils avaient pris une attitude telle que cette maison n’avait pu s’empêcher de voir en eux des ennemis irréconciliables dont la ruine absolue était la condition première de sa sûreté. Aussi George Ier, lorsqu’il fut devenu roi, non