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C’était à ce dernier, comme au chef principal des whigs mécontens, que le roi avait dû s’adresser pour le charger de composer un ministère auquel la nouvelle chambre des communes pût accorder son concours. Pulteney se trouva dans une situation très délicate. Dans l’ardeur de la lutte et pour écarter les soupçons qu’on voulait jeter sur le désintéressement de son opposition, il avait plus d’une fois proclamé sa détermination invariable de n’accepter jamais aucun emploi du gouvernement. Par cet engagement inconsidéré, il s’était créé des embarras qui maintenant pesaient sur lui de tout leur poids. Beaucoup d’hommes d’état, surtout à cette époque, n’en eussent tenu aucun compte, ou les eussent éludés par quelqu’une de ces distinctions subtiles qui ne font jamais défaut dans de semblables conjonctures. Pulteney voulut tenir sa parole, mais il ne sut pas faire le sacrifice entier, et il en perdit tout le mérite. Il crut qu’il pourrait, tout en restant en dehors du ministère, l’organiser de manière à y conserver une influence dominante. Il se laissa entraîner, sans consulter ses amis, dont peut-être il craignait la désapprobation, dans des pourparlers qui tendaient à partager les portefeuilles entre quelques-uns des chefs de l’opposition et une partie des collègues de Walpole. Ces pourparlers, qu’on avait voulu d’abord tenir secrets, excitèrent naturellement l’inquiétude de ceux des opposans qui n’y avaient pas été admis. Dans une réunion générale du parti, Pulteney fut vivement interpellé, et ses réponses, peu explicites, loin de calmer les défiances de ses anciens adhérens, leur donnèrent la conviction qu’il les avait trahis. Une éclatante rupture fut le résultat immédiat de cette conférence, en sorte que l’armée victorieuse se trouva dissoute avant même d’avoir recueilli le fruit de sa victoire.

Dans cet état de choses, Pulteney n’était plus en mesure de faire la loi à la cour, il dut accepter une transaction dans laquelle elle se ménagea des avantages marqués. Refusant pour lui-même les fonctions de premier lord de la trésorerie qu’on lui avait offertes, il s’était d’abord proposé d’en investir lord Carteret, l’un de ses auxiliaires les plus éminens dans sa lutte contre le précédent ministère. Le roi, toujours secrètement dirigé par les conseils de Walpole, ne voulut pas y consentir. Ce poste important fut donné à lord Wilmington. Deux autres collègues de Walpole, le duc de Newcastle, agent principal de cette négociation, et son frère Henri Pelham, furent maintenus dans leurs emplois de secrétaire d’état et de payeur-général de l’armée. Quant à lord Carteret, il dut se contenter d’un autre poste de secrétaire d’état. Pulteney lui-même, comprenant sans doute qu’après ce