Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/741

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
737
ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

possessions allemandes du roi, contre les voyages annuels de George II dans ce délicieux pays, contre les sommes énormes employées à l’agrandir ou à l’enrichir, « on ne peut plus en douter, s’écria-t-il enfin, ce grand, ce puissant, ce formidable royaume n’est plus considéré que comme une dépendance, comme une province d’un misérable électorat ; en prenant à notre solde les troupes hanovriennes, on ne fait que mettre la dernière main au plan depuis long-temps formé et suivi avec une si rare persévérance pour asservir complètement notre malheureuse nation. »

Le bill passa pourtant, mais seulement à la majorité de 260 voix contre 193. Ce résultat n’était pas fait pour décourager l’opposition. L’année suivante, le jour même de l’ouverture de la session, l’adresse en réponse au discours du roi avait à peine été proposée, que Pitt se leva pour la combattre. Il reconnut que le gouvernement avait complètement changé sa politique extérieure, si long-temps accusée de pusillanimité ; mais il le blâma d’avoir passé d’un extrême à l’autre, de l’excès de la timidité à un véritable accès de donquichotisme : « Naguère, dit-il, on négociait avec l’univers, on acceptait tout traité, même le plus déshonorant ; on refuserait aujourd’hui la paix la plus raisonnable. » Le projet d’adresse complimentait le roi sur le courage dont il avait fait preuve peu de mois auparavant à la bataille de Dettingen, sur les dangers qu’il y avait courus. Pitt demanda la suppression de ce passage, et les motifs qu’il allégua à l’appui de cette demande la rendaient, s’il se peut, plus injurieuse encore. Non content d’insulter l’armée hanovrienne dont la lâcheté avait, suivant lui, compromis la victoire remportée par les soldats anglais, il affecta de jeter des doutes sur la conduite même du roi. « Supposez, dit-il, qu’il résultât de la connaissance plus approfondie des faits que sa majesté n’a couru aucun danger ou n’en a pas couru de plus graves que ceux auxquels elle est journellement exposée, lorsque sa voiture vient à verser, ou son cheval à broncher, l’adresse, telle qu’on la propose, ne serait-elle pas pour notre souverain un affront, une insulte, plutôt qu’un compliment ? » Dans un discours prononcé peu de temps après, il repoussa avec une égale véhémence le vote d’un nouveau subside réclamé en faveur des troupes électorales. Il exprima l’opinion qu’il serait plus avantageux de remettre directement à l’Autriche l’argent perdu à solder les plus mauvais soldats de l’Europe ; c’est ainsi qu’il qualifiait les Hanovriens (12 janvier 1744).

Si, dans l’emportement imprévoyant de son opposition, il en était arrivé au point de ne pas ménager les affections et la personne même