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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

l’objet des égards les plus empressés et d’une extrême déférence. Plus d’une fois il intervint efficacement, comme médiateur, dans les querelles assez vives qui troublaient de temps en temps l’accord du duc de Newcastle et de son frère. On voulait lui dissimuler autant que possible l’infériorité officielle de sa situation pour lui faire prendre patiences et d’ailleurs, dans cette infériorité même, la puissance d’un esprit appelé à la domination ne pouvait manquer de se faire jour.

Le ministère qui comptait dans ses rangs un tel défenseur, et à côté de lui presque toutes les grandes influences du pays, était d’autant plus fort qu’une expérience récente avait appris au roi la difficulté de le renverser, et avait dû lui en ôter pour long-temps la pensée. La réconciliation qui s’opéra bientôt après entre ce ministère et lord Granville, admis un peu plus tard dans le cabinet en qualité de président du conseil, acheva de faire disparaître les obstacles qui auraient pu entraver la marche du gouvernement. Pendant les deux sessions suivantes, il y eut à peu près unanimité dans la chambre des communes. On peut s’étonner de voir un pareil résultat produit par une modification ministérielle qui n’avait donné satisfaction à aucun principe, puisque la direction du gouvernement n’avait pas été changée. C’est qu’en réalité il n’y avait plus de principes en jeu depuis que la révolution consommée par l’avénement de la maison de Hanovre avait résolu toutes les questions alors pendantes, et même avait devancé d’assez loin les exigences de l’esprit public pour que de nouvelles questions n’eussent pas encore eu le temps de s’élever. Les luttes parlementaires se réduisaient donc, je l’ai déjà dit, à des rivalités de coteries et d’ambitions personnelles. Ces rivalités sont peut-être, dans une démocratie, la source la plus inépuisable de troubles et de discordes, parce que les prétentions y sont infinies, parce qu’elles n’ont d’autres limites que l’amour-propre et l’avidité des individus, parce qu’à la place d’un ambitieux à peu près satisfait on est certain d’y voir surgir au même titre dix autres prétendans non moins redoutables ; mais dans une aristocratie telle qu’était alors l’Angleterre, sous un régime où, à défaut d’une grande position de naissance et de fortune, des talens éminens donnent seuls le droit d’aspirer au pouvoir, le nombre de ces prétendans est nécessairement assez restreint pour qu’avec un peu d’adresse il ne soit pas impossible de les contenter tous, au moins pour quelque temps, et par conséquent de faire momentanément disparaître toute espèce d’opposition.

C’est sur ces entrefaites que fut conclu, le 8 octobre 1748, le traité d’Aix-la-Chapelle, qui, après huit années de combats, rendit la paix à