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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

entrèrent encore une fois en négociation avec lui, mais il leur déclara nettement que l’offre d’une secrétairerie d’état était la seule qu’il pût accepter. Le duc de Newcastle ayant répondu qu’à cet égard la répugnance du roi était invincible, on dut renoncer à toute idée d’accommodement.

Dans les pourparlers qui précédèrent cette rupture définitive, Pitt avait eu soin de préluder à son opposition en se prononçant d’une manière absolue contre le système d’alliances continentales et de subsides où l’on commençait à s’engager de nouveau. Quelques explications sont nécessaires pour faire comprendre les faits qui vont suivre. Après sept années de paix, une guerre générale était sur le point de se rallumer. Deux causes très diverses la rendaient presque inévitable. En Amérique, les limites mal déterminées entre les possessions françaises du Canada et de la Louisiane et les colonies britanniques donnaient lieu, depuis quelque temps déjà, à des prétentions contraires, et même à des voies de fait qui laissaient peu de place à une transaction. Sur le continent européen, l’impératrice Marie-Thérèse, animée d’un implacable ressentiment contre le grand Frédéric, qui lui avait enlevé la Silésie en profitant des embarras du commencement de son règne, brûlait du désir de reprendre les armes pour se venger. Des négociations très compliquées se suivaient entre les divers cabinets pour préparer ou pour détourner cette lutte. On ne pouvait encore prévoir le résultat de ces délibérations ; mais dans cette incertitude, George II, craignant de voir ses états d’Allemagne attaqués par les Français lorsque l’Angleterre serait en guerre avec eux, cherchait à s’assurer des alliés au moyen de subsides. Dans une de ces visites presque annuelles qu’il faisait à son électorat entre les sessions du parlement, il conclut avec la Russie et avec le landgrave de Hesse-Cassel deux traités par lesquels quarante mille Russes et douze mille Hessois furent pris à la solde de la Grande-Bretagne. Mais, par suite d’un singulier malentendu, le cabinet de Saint-Pétersbourg, avant que le traité qui le concernait eût été communiqué au parlement, qui n’était pas même encore réuni, fit présenter à l’échiquier une lettre de change de cent mille livres sterling, tirée en exécution de ce même traité. Le chancelier de l’échiquier, Legge, ami particulier de Pitt, se décida, après s’être concerté avec lui, à en refuser le paiement (septembre 1755).

Un mois après, le parlement se réunit. Dès la première séance, dans la discussion de l’adresse, Pitt et Legge, le premier toujours payeur-