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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

constance qui blessa vivement ses sentimens intimes acheva de lui faire perdre patience. À la suite d’une maladie assez grave dont il fut temporairement atteint, le ministère crut devoir proposer au parlement un bill qui réglait le mode de formation de la régence chargée de gouverner le royaume dans le cas où cette maladie viendrait à se renouveler et à se prolonger. Ce bill était rédigé de telle sorte que la princesse douairière de Galles n’était pas comprise parmi les personnes éventuellement appelées à la régence. La chambre des communes signala et répara cette omission. Malgré les explications embarrassées des ministres, le roi, qui aimait beaucoup sa mère, ne leur pardonna pas ce procédé. Il chargea le duc de Cumberland d’ouvrir avec Pitt et avec lord Temple une nouvelle négociation qui, après de longs pourparlers, échoua comme la précédente et pour le même motif, parce que ces deux hommes d’état, non contens d’exiger l’annulation d’actes impopulaires, à laquelle le roi consentait sans difficulté, voulaient composer exclusivement le cabinet d’hommes appartenant à la fraction des whigs dont ils étaient les chefs. Par suite de leur refus, le roi retomba sous le joug qu’il n’avait fait que rendre plus pesant en essayant de le secouer, et se vit contraint d’accorder à ses ministres l’éloignement de quelques hauts fonctionnaires qui leur étaient suspects comme partisans de lord Bute, particulièrement celui de Fox, élevé peu auparavant à la pairie sous le titre de lord Holland.

Ce fut là le dernier triomphe de George Grenville et du duc de Bedford. Quelques semaines s’étaient à peine écoulées, que George III, de plus en plus exaspéré contre eux, se mit directement en relation avec Pitt et lord Temple, espérant, par son intervention personnelle, les disposer plus facilement à accepter ses offres. Cette nouvelle tentative n’ayant pas obtenu plus de succès que toutes celles qui avaient eu lieu précédemment, le roi résolut de s’adresser à une autre portion de l’ancien parti whig, à celle qui avait toujours montré le plus de modération dans son opposition. Elle avait pour principal représentant dans la chambre des lords le marquis de Rockingham, un de ces hommes qui, par la noblesse de leur caractère, l’élévation de leur esprit, leurs lumières et même la distinction de leurs talens, honorent les partis dans lesquels ils figurent, et, sans avoir toute l’énergie nécessaire pour en devenir véritablement les chefs, savent s’y créer un grand ascendant. C’est à lui et au duc de Newcastle que le duc de Cumberland porta les propositions royales. On les accueillit, et le ministère de George Grenville put enfin être remplacé. Le marquis de Rockingham prit, comme premier lord de la trésorerie, la direction