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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

tentement universel excité par la conduite d’une chambre qui avait perdu la confiance de la nation ; il parla de nouveau d’augmenter la représentation des comtés pour balancer la corruption des bourgs. Cette proposition, dont très certainement il n’espérait aucun succès, fut repoussée en effet avec des témoignages d’impatience et d’irritation.

La fin de la session mit momentanément un terme à cette lutte acharnée. Si elle avait fait un tort réel à lord Chatham, non-seulement dans la faveur de la cour, mais encore dans l’opinion des hommes loyaux et sensés, elle avait achevé de lui rendre toute sa popularité. Le conseil de la Cité de Londres lui vota une adresse de remercîmens. Comme un passage de cette adresse paraissait supposer qu’il avait exprimé un vœu pour la réduction à trois ans de la durée des parlemens, il protesta, dans sa réponse, contre cette interprétation, qui l’associait aux vues de la fraction la plus exagérée des réformistes ; il eut même soin de restreindre à la manifestation d’un doute le sens de ce qu’il avait dit sur la convenance d’augmenter la représentation des comtés. On aime à le voir, dans le temps même où il semblait le plus abandonné aux écarts de l’esprit de parti, ressaisir par momens sa haute indépendance pour se rattacher aux vieilles doctrines constitutionnelles qui formaient sa religion politique.

Le repos que la clôture de la session lui avait procuré fut de courte durée. Lorsque le parlement se réunit six mois après, une de ces questions de politique extérieure qui prêtent si merveilleusement aux déclamations de l’opposition venait de surgir. Des forces anglaises ayant pris possession des îles Falkland, sur lesquelles l’Espagne alléguait un droit de propriété, une expédition espagnole les en avait expulsées. On négociait pour trouver des termes d’accommodement propres à prévenir une rupture que de part et d’autre on était fort loin de désirer. Le jour même où la chambre des lords se rassembla pour la première fois, le duc de Richmond, blâmant la faiblesse du gouvernement qui laissait impunie l’insulte faite à la couronne britannique, demanda communication des documens relatifs à cette délicate affaire. Les deux secrétaires d’état répondirent que la production de ces documens ne pourrait que compromettre le succès de la négociation ; ils insistèrent beaucoup sur les susceptibilités de l’honneur espagnol, sur les ménagemens infinis dont il fallait user pour ne pas le révolter. Ces objections irritèrent lord Chatham. Prodiguant aux ministres avec l’intempérance de langage qui lui était familière, les qualifications les plus outrageantes, celles d’indignes, de méprisables, de