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LA PHILOSOPHIE CATHOLIQUE EN ITALIE.

listes, ou Dieu (athées, idolâtres, panthéistes). Restent les philosophes qui admettent les élémens de la moralité ; ici, les systèmes se subdivisent de nouveau : les uns placent le principe moral en nous, les autres hors de nous. Les premiers, subdivisés en physiciens, dynamistes, rationalistes, se partagent encore en plusieurs classes subordonnées les unes aux autres et donnent trente-un principes, suivant qu’ils placent la vertu dans l’ordre naturel, dans les affections animales ou intellectuelles, dans la prudence, la science, le plaisir, l’art, l’espoir, le désespoir, etc. M. Rosmini les attaque un à un, après les avoir réfutés d’avance dans les catégories précédemment établies, il passe ensuite aux théories qui cherchent un principe hors de nous, et ici on rencontre encore seize divisions, soumises à leur tour aux catégories de l’autorité, des principes formels négatifs et des principes formels positifs ; ces derniers, imparfaits chez Reinhard, Pini, Poëliz, Clarke, Martini, acquièrent leur dernière perfection chez M. Rosmini, qui se place à la dix-septième division, sous la catégorie des principes formels positifs, et répond ainsi à toutes les conditions qu’il a vainement demandées à toutes les autres théories. Le jeu de la réfutation est habilement disposé ; rien n’échappe à l’appareil des distinctions dialectiques. M. Rosmini descend de catégorie en catégorie, et on dirait qu’il précipite les philosophes de chute en chute ; ils sont déjà brisés quand il les saisit dans leur individualité caractéristique. Tous succombent devant cette argumentation, qui se concentre à chaque pas, et va frapper l’erreur dans ses moindres replis.

Après le combat, M. Rosmini s’occupe de régulariser son triomphe. Suivant lui, le principe moral doit présenter six caractères : il doit être simple, universel, évident, supérieur, antérieur à tout, et inhérent à la morale. Or, l’acte de l’intelligence volontaire, qui reconnaît l’intelligence impersonnelle, cet acte qui, suivant M. Rosmini, est le principe de la morale, présente seul les six caractères qui manquent à toutes les théories. Quelques philosophes ayant cependant entrevu le principe que pose le penseur italien, M. Rosmini réduit sa théorie à sept propositions, et reconnaît les rapports qu’elle offre avec les théories antérieures ; sur quelques points, il se rapproche de Platon et de Zénon ; sur tous, il s’accorde avec la tradition chrétienne. L’écriture enseigne que la vertu est une avec la vérité ; elle voit le principe du vice dans une révolte de la pensée (cogitationes malæ), elle signale la perversité de ces peuples anciens qui regardaient sans voir ; le christianisme, suivant M. Rosmini, vient donc sanctifier la théorie qui place la moralité dans l’accord de la vérité avec la raison.