Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/1002

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nos amis, et les tories comme naturellement nos adversaires. L’étonnement douloureux que les évènemens de 1840 nous ont donné n’a pas été tout-à-fait une leçon. La vieille habitude a peut-être, dans plus d’un esprit, repris son empire. On veut croire encore en plus d’un endroit que la cause de la France trouverait au besoin plus de sympathie chez les whigs. Il y a dans cette appréciation routinière une erreur qu’il importe de dissiper.

C’est d’abord une faute de compter sur des sympathies permanentes dans un parti. L’histoire de l’Angleterre le prouve bien. Les whigs et les tories ont été tour à tour et successivement amis et ennemis de la France ; la situation des affaires et leurs intérêts en décident. Les tories ont été alliés de la France sous la reine Anne pendant le ministère de Harley et de Bolingbroke. La portion des whigs à la tête de laquelle était Robert Walpole conserva des relations pacifiques et amies avec la France sous le gouvernement de ce ministre. Lord Chatham était whig, c’est un des hommes d’état anglais qui ont fait le plus de mal à la France. Jusqu’à la révolution, Fox déclama contre notre pays ; lors du traité de commerce de 1786, c’était Pitt qui défendait l’alliance française, c’étaient Fox et ses amis qui l’attaquaient, et à cette époque le comte Grey, qui devait plus tard inaugurer l’union des deux pays sous le ministère auquel il a donné son nom, mais qui débutait alors dans la vie politique, inspira son maiden speech de toutes les passions qu’a jamais pu soulever l’antagonisme des deux peuples. La révolution divisa le parti whig : l’amour des institutions libres fit prendre d’abord à Fox et à quelques-uns de ses amis la défense de la France révolutionnaire. Depuis cette époque d’ailleurs, les relations privées qui unirent quelques familles whigs à des familles qui ont exercé parmi nous, au nom et au profit des idées libérales, une large et noble influence, les familles de Lansdowne et d’Holland, par exemple, à celles de La Fayette et de Mme de Staël, ces relations créèrent, entre deux groupes importans dans les deux pays, des liens d’estime, de bienveillance et de sympathie. Vers la fin de l’empire, néanmoins, on peut en juger par la correspondance, publiée cette année, de Francis Horner, un des membres les plus distingués du groupe ami de la France formé à Holland-House, le parti whig était unanime contre nous ; on n’aurait pas le droit d’ailleurs d’exiger que les whigs eussent eu, pour le régime auquel la France était alors soumise, plus de sympathie que n’en professaient leurs amis français, M. de Lafayette, Mme de Staël, Benjamin Constant. Sous la restauration, lors de l’intervention française en Espagne, M. Canning