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nous eût été ouvert. M. Guizot déclara qu’il ne le regrettait pas ; il fallait en donner des raisons : il fit une théorie ; il méconnut complètement ce principe élémentaire de la politique coloniale des nations industrielles, principe dont l’Angleterre poursuit tous les jours l’application avec une si admirable activité, lequel conseille, aux peuples qui produisent au-delà de leurs besoins de consommation, de se préparer des marchés coloniaux où aucune prohibition ne puisse les empêcher d’écouler le surplus de leurs produits. Sans paraître se douter de cet intérêt qui est la seule justification des établissemens coloniaux, M. Guizot déclara qu’il ne fallait pas à la France de trop grandes entreprises, qu’il ne fallait songer qu’à former des stations ; il appelait cela un système sage, réservé, limité, et il se proposait, disait-il, de le pratiquer partout.

C’est donc, pour ne pas dire plus, à l’inexpérience de M. le ministre des affaires étrangères dans les questions pratiques que nous devons, avec nos colonies de l’Océanie, les embarras et les pertes de considération que nous avons eu à subir depuis une année seulement, et qui sait ce qu’elles nous réservent encore ? Les difficultés même que nous y devions rencontrer, l’opposition les avait signalées à M. Guizot. Il était facile de prévoir que ces colonies, qui n’avaient pour nous aucune valeur, qui n’étaient pour nous qu’une charge stérile, venant se placer au milieu d’intérêts britanniques, ne pouvaient manquer de susciter des ombrages en Angleterre : à Taïti surtout, où nous prenions une souveraineté partagée et mal définie, où des intérêts anglais nous avaient devancés et dominaient cette moitié d’autorité dont nous n’avions pas voulu nous saisir, la plus simple prudence apercevait les conflits où la considération de la France est restée deux fois grièvement blessée, et par lesquels la tranquillité du monde a été si gravement compromise. L’opposition, que le ministère représente comme cherchant partout querelle à l’Angleterre, avait sagement averti M. Guizot. « Nous ne comprenons pas, disait M. Billault, les difficultés de cette situation fausse ou impuissante cachée sous le nom de protectorat. Pour le présent comme pour l’avenir, il n’y a rien de pire que les situations équivoques ; il n’y a rien de plus mauvais que ce mélange d’autorités dont l’une se croit indépendante, et l’autre veut rester prépondérante… Il y a là le germe de bien des conflits… Tenez pour certain que le jour où l’étranger aura intérêt à soulever des difficultés dans cette intervention, il en trouvera. Il saura au besoin soulever entre la reine et vous des différends sur sa souveraineté et ses attributions . Vous serez conduits par le fait à briser l’autorité