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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 septembre 1844.


Est-il vrai que l’affaire de Taïti ait reçu la solution désirée par la France est-il vrai que l’arrangement conclu entre les cabinets de Londres et de Paris repose sur des bases justes et convenables ? que l’honneur et les droits des deux pays aient été également ménagés, que la balance n’ait penché ni d’un côté ni de l’autre ? est-il vrai que cet arrangement soit de nature à resserrer les liens entre la France et l’Angleterre ? est-il vrai enfin qu’il faille admirer l’habileté, l’énergie de M. Guizot, et dire de lui qu’il vient de sauver la paix du monde, en faisant respecter la dignité de la France ?

Si tout cela était vrai, nous ne ferions aucune difficulté de le reconnaître. Le succès de M. Guizot serait un triomphe pour les principes que nous défendons. Nous féliciterions le ministre du 29 octobre d’avoir changé sa politique, d’être sorti de la situation fausse où il s’est placé depuis quatre ans vis-à-vis de l’Angleterre, et de marcher enfin dans la voie de prudence et de fermeté que les chambres lui ont souvent tracée. Malheureusement il n’en est pas ainsi. M. Guizot n’a pas changé sa politique, et nous ne pouvons souscrire aux éloges que de complaisans amis lui adressent aujourd’hui.

Nous voulons éviter toute exagération dans ce triste débat. Nous ne dirons pas que l’arrangement conclu sur Taïti déshonore la France. Un pays comme la France ne se déshonore pas en faisant imprudemment une concession trop large à des exigences injustes. Il accepte par-là une position fâcheuse, il suit une mauvaise politique, et voilà tout. Nous ne dirons pas non plus que la conduite de M. Guizot doit soulever l’indignation publique. Que ses amis l’élèvent aux nues, qu’il monte au Capitole ; nous ne le traînerons pas aux gémonies. Nous dirons même, si l’on veut, qu’il a montré moins de faiblesse qu’on n’en attendait de lui. À tort ou à raison, le bruit s’était répandu que le cabinet anglais montrait des prétentions démesurées ; il exigeait, disait-on, le rappel de MM. Bruat et d’Aubigny. On a pu croire un instant que le rappel de M. d’Aubigny était accordé par M. Guizot ; mais il n’accorde que le blâme, et de plus une indemnité pour M. Pritchard. Il a donc écarté la moitié des conditions qui lui étaient imposées. L’Angleterre