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et les honorables efforts de son successeur ; le traité inqualifiable de l’année dernière est devenu l’acte d’accusation de toutes les compagnies financières. Du jour de la signature de cet acte regrettable une énergique réaction a commencé, et le pays est revenu à ses traditions administratives et centralistes, traditions corroborées d’ailleurs par les jalousies parfois brutales qu’inspirent les possesseurs des grands capitaux. L’exécution par l’état est aussi populaire en 1844 qu’elle l’était peu en 1838, lorsque la coalition faisait sur cette question le premier essai de ses forces et de ses succès. Il y avait dans les plans du ministre trop de décousu et dans son attitude trop d’indécision pour arrêter cet universel mouvement de l’esprit public excita par la presse. Les tarifs élevés de l’Angleterre et de la plus grande partie de l’Allemagne, mis en regard des tarifs réduits de la Belgique, le besoin de compenser notre infériorité industrielle par l’abaissement du prix des transports, le danger de livrer à la coalition d’intérêts égoïstes, pendant près d’un demi-siècle, des voies de circulation contre lesquelles toute concurrence sera visiblement impossible, c’étaient là des motifs politiques du premier ordre qu’il aurait fallu, combattre par des avantages financiers considérables et manifestes. En ce moment, l’opinion de la chambre est arrêtée, et pour tout esprit clairvoyant, la question de principe est tranchée, quoiqu’elle paraisse réservée pour la session prochaine. Le système des compagnies n’a triomphé qu’à une faible majorité sur la ligne de Bordeaux, et l’on sait, par l’adoption de l’amendement Crémieux, à quel prix ce triomphe a été acheté. Peu de jours après, la chambre autorisait l’état à poser les rails sur le chemin de Lyon ; et si, sur la vive insistance du ministère qui en faisait tardivement une sorte de question de cabinet, la chambre consentait à ajourner à l’an prochain le vote financier nécessaire à cette dépense, c’était sous la condition tacite que le ministère n’essaierait pas de faire prévaloir sur la ligne de Belgique le système des compagnies qui avait servi de base à tant de projets de loi. Une transaction intervenue, en effet, entre le gouvernement et la majorité de la commission du Nord, a été sanctionnée par la chambre. Il en résulte que l’état est provisoirement autorisé à parfaire ce chemin, à poser les rails dans toute la longueur, et à en exploiter lui-même les divers tronçons qui pourraient être livrés au public avant la session prochaine. On peut dire que d’après l’esprit et les termes de cet arrangement, la question a, pour ainsi dire, cessé d’être réservée ; elle est résolue par le fait, elle est résolue dans le sens de l’exécution intégrale et même de l’exécution par l’état. Qu’on ne s’y trompe pas : les compagnies fermières n’ont été qu’une machine de guerre et un moyen de transition. Les seules idées sérieuses en présence, depuis l’ouverture de ce débat, ont été l’exécution par les compagnies dans le sens de la loi de 1842, et l’exploitation par l’état selon le mode usité en Belgique. L’opinion atteindra promptement ce dernier terme de la question : la logique des idées et celle des faits ne s’arrêteront point qu’elles ne l’aient conduite jusque-là Bientôt les compagnies fermières se verront