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naie, là aussi se trouve le plus grand marché et se portent de préférence les entreprises colossales. Tout ce qui réclame les capitaux dans cette sphère commerciale, et industrielle, sous le nom d’escomptes, de spéculations, d’emprunts, de manufactures, etc., grandit dans les plus vastes proportions sous l’influence du papier-monnaie, et s’annihile pour ainsi dire sans son intervention.

La question que soulève le rapport du papier-monnaie avec la position des changes est tellement complexe, elle a un caractère tellement pratique et spécial, que nous n’aborderons ici qu’une seule de ses faces. Nous comprenons qu’en Angleterre les hommes qui ont l’expérience des affaires s’alarment peu de voir les changes grandement varier, par suite de l’exportation de l’or, en temps ordinaire. Cette exportation fait nécessairement contracter une dette au pays qui l’opère, et vient le placer dans la nécessité de rechercher, à un plus haut prix, les moyens de s’acquitter. Ainsi donc, le niveau se trouve bientôt à peu près rétabli, et l’émission du papier-monnaie n’est affectée de ce mouvement, que dans une faible proportion. Mais qu’il s’agisse d’une exportation d’or ou de lingots en temps de panique ou de guerre, comme, par exemple, lors de la lutte continentale, l’équilibre sera entièrement rompu, et un surcroît d’émission de papier-monnaie sera nécessaire pour suffire au vide produit, quoique à peu près irréparable.

L’influence du papier-monnaie sur les marchandises doit également y être signalée. L’Angleterre, qui voit se concentrer dans ses docks tous les produits des divers points du globe, dispose d’une masse de capitaux, sous forme d’avance, en faveur de ces importations, dont la réalisation est toujours lointaine et devient même parfois précaire par suite d’accumulation ou de la concurrence d’un produit semblable. Ces capitaux, il est vrai, sont loin d’être perdus pour l’Angleterre, elle y bénéficie même largement ; mais, les produits par lesquels ils sont représentés dormant dans les entrepôts, ces capitaux sont hors de la circulation immédiate, et tout effort fait intempestivement pour les rappeler violemment à la circulation doit amener des fluctuations profondes et nombreuses, et exercer une influence plus ou moins sensible sur l’intermédiaire d’échange, le papier-monnaie. Ainsi, par le fait, le papier-monnaie gagne, et les produits seuls perdent.

En apportant ces exemples, nous avons voulu montrer combien sir Robert Peel doit tenir à régulariser l’émission du papier-monnaie et prouver aussi combien, d’un autre côté, ou doit s’entourer de circonspection lorsqu’il s’agit de diminuer la force d’un aussi puissant instrument de crédit. Nous craignons que sir Robert Peel se soit plutôt préoccupé des ressources de l’excès que du bénéfice de l’usage, et n’ait été porté à amoindrir celui-ci au profit de l’autre. Ce qui nous donne cette opinion, c’est qu’en jetant un coup d’œil sur les ravages produits par les banques dans les États-Unis il a paru attribuer ces désastres à une émission immodérée, tandis qu’une concurrence effrénée entre des établissemens rivaux, un excès de facilité dans la constitution