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qu’on pourrait le craindre. Cependant les médecins de Wolverhampton assurent que les fièvres pernicieuses, et notamment le typhus, y sont de plus en plus fréquentes[1]. Ce qui est certain, c’est que, sous l’influence combinée du mauvais air et des privations, les mœurs s’altèrent et le sang s’appauvrit. L’affaiblissement de la race est particulièrement manifeste dans les enfans. Ceux qui semblent robustes à la première inspection n’ont que des chairs sans muscles ; la plupart sont maigres, délicats et quelquefois difformes, les filles surtout. Leur stature est rabougrie à un point qui permet difficilement de croire à l’âge qu’ils se donnent. Les enfans de 14 à 15 ans ont la taille des écoliers de 11 à 12 ans dans le reste de l’Angleterre. La puberté vient tard. Un jeune garçon de 15 ans vous parle avec la voix aiguë d’un enfant. De pauvres filles de 16 à 17 ans, loin de présenter les symptômes extérieurs du développement qui commence à cet âge, ressemblent, lorsqu’il leur arrive d’avoir la taille droite, « à des planches de sapin que l’on aurait sciées en deux. » Leurs longues et mélancoliques figures annoncent qu’elles ont conscience des ravages que fait dans leur organisation le travail quotidien. Leur intelligence, émoussée de bonne heure, ne se développe pas mieux que le corps.

L’éducation de la première enfance est absolument nulle. L’enfant de cinq ans berce l’enfant de deux ans, pendant que l’enfant de sept ans veille sur l’un et sur l’autre, et garde la maison, tout le long du jour, en l’absence des parens. Pour faciliter cette surveillance, les mères administrent à leurs nourrissons, ainsi que cela se pratique à Manchester, des préparations d’opium. Quant aux enfans que l’on abandonne à eux-mêmes en été, ils jouent et dorment dans la boue ; en hiver, au risque des accidens, qui sont fréquens en effet, ils jouent et dorment devant le feu.


« J’ai vu, dit M. Horne, une petite fille de sept ans, à qui l’on avait confié la tutelle d’un autre enfant de cinq ans et la garde de la hutte que la famille habitait, les parens la quittant dès six heures du matin pour ne rentrer qu’à six heures du soir. La hutte était située dans un creux, parmi des tas de cendres, auprès d’une mine de houille et d’une carrière de pierre sur la route de Sedgeley. Cette misérable habitation tombait en ruines : on aurait cru voir un wigwam abandonné, et à coup sûr elle offrait un abri moins commode que ces huttes fabriquées de troncs d’arbre et à moitié renversées que l’on rencontre dans les solitudes du Canada. Cette petite fille recevait souvent la visite des autres enfans du voisinage, qui étaient, comme elle, les

  1. Sanitary condition.