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dont la littéralité familière rend beaucoup mieux l’antique que les traductions sérieuses et en beau style. Des réflexions judicieuses servent de commentaire au texte :

Soyez justes, craignez les dieux ;
Cette sentence est bonne et belle,
Mais en enfer à quoi sert-elle ?


Il est impossible de railler plus finement le fameux vers :

Discite justitiam moniti et non temnere divos !

L’Énéide travestie n’a pas été poussée au-delà du VIIIe livre ; le Roman comique lui-même n’est point achevé, soit caprice, soit fatigue. Nous aimons assez ces œuvres interrompues auxquelles l’imagination du lecteur est forcée de chercher un dénouement.

Le Virgile fut continué, si cela peut s’appeler continué, par un certain Jacques Moreau, marquis ou comte de Brazey, et par autre rimeur dont le nom est resté inconnu. Il est difficile de lire quelque chose de plus plat et de plus rampant, de plus insipide. Le sieur Offray n’a guère été plus heureux dans sa suite du Roman comique. L’immortel auteur du Don Quijote, don Miguel Cervantès de Saavedra, ayant laissé un long intervalle entre la publication de la première et de la dernière partie de son roman, eut aussi cet inconvénient d’être continué par un sacrilège barbouilleur de papier ; mais Cid-Hamet-Ben-Engeli accrocha si haut sa plume, que personne depuis ne pus la reprendre.

Le Typhon, qui fut composé avant le Virgile travesti, est un poème burlesque sur la guerre des dieux et des géans. Il a cinq chants en vers de huit pieds. S’il y eut jamais un personnage mythologique sinistre et grandiose, c’est ce monstre informe que fit sortir de la terre Junon, jalouse de la création de son mari, qui avait produit Pallas tout seul. Sa révolte gigantesque a un caractère mystérieux et cosmogonique, effrayant comme ces bas-reliefs sculptés dans les cavernes qui font allusion à des évènemens dont on a perdu la mémoire et le sens symbolique, mais qu’on pressent avoir été terribles. Ce Typhon fut sur le point de mettre la terre à la place du ciel ; il coupa les bras et les jambes à Jupiter avec une faux de diamant, et inspira aux Olympiens une telle panique, qu’ils se déguisèrent, pour lui échapper, en animaux, en légumes, formes sous lesquelles les Égyptiens les adorent. Son aspect était formidable et monstrueux ; il avait cent têtes, et de ses cent bouches sortaient avec des flammes des cris si horribles, que les dieux et les hommes en tremblaient. Le haut de