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comme des alouettes dans des broches faites de cyprès tout entiers tournent lentement devant la flamme : ce souper a dû affamer toute une nation.

Les géans entourent Mercure, qui n’est pas plus rassuré qu’il ne faut en voyant se resserrer autour de lui cette ceinture de corps monstrueux, pourtant il prend son courage à deux mains et tient ce discours à Typhon, qui le regarde de travers et de sa mine la plus effroyable : — Seigneur Typhon, malgré votre gigantosité, vous n’êtes qu’une grande canaille. Jupin, mon bourgeois et le vôtre, m’envoie vous dire que vous vous teniez coi désormais, sinon il vous foudroiera bel et bien. Vous avez démoli notre vaisselle, et il faut que vous alliez promptement à Venise chercher une centaine de verres pour remplacer ceux que vos quilles ont brisés : — qui casse les verres les paie. — Vous êtes assez ivrogne pour connaître cette maxime. — Vous avez une semaine devant vous, mais pas plus. Sur ce, bonsoir.

À ce discours, une huée formidable, à rendre sourds les quatre élémens, sort de ces bouches plus larges que des fours, de ces poitrines plus profondes que des cavernes Mercure pensa en rendre le sang par les oreilles, comme un canonnier qui a manœuvré sa bombarde toute la journée – Sauve-toi vite, bélître, maroufle, ou je te jette tout vif dans le feu, hurle Typhon. Je me moque de ton maître. et de ses fusées et pétarades comme de colin-tampon. – Là-dessus, le colosse se met à dévorer avec sa bande des montagnes de viande à moitié grillée, et ne tarde pas à s’endormir auprès du feu qui s’éteint, après avoir mis sous sa tête, en guise d’oreiller, un rocher que vingt mille hommes n’auraient pas fait bouger d’un pouce. Ainsi se termine le premier chant.

Le pauvre Mercure, fort effrayé, grimpe sur un arbre où il perche jusqu’au retour de l’aurore, les chemins étant peu sûrs et infestés de tirelaines. Le jour venu, il descend de son juchoir et se remet en route ; il trouve Jupiter encore au lit, et ce dieu se donne à peine le temps de passer une robe de chambre, tant il est pressé de savoir les nouvelles que son messager apporte de la terre. — Tout ce que j’ai pu obtenir, dit Mercure au maître des dieux, c’est la chanson de Daye-Dandaye. Ces faquins m’ont éclaté de rire au nez comme un cent de mouches, et peu s’en est fallu qu’ils ne me bernassent. Typhon en particulier m’a accueilli comme un cueilleur de pommes du Perche. Que j’aie la gale qui dure sept ans si je n’ai dit la vérité aussi nue qu’au sortir de son puits !

Le conseil céleste s’assemble, et l’on agite la question de savoir s’il