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croire tous les délais et toutes les ruses qu’employa le gouvernement américain pour arriver à échanger les ratifications du second traité séparément, afin de pouvoir revenir sur le premier. Le gouvernement mexicain, qui commençait à s’alarmer des vues ambitieuses des États-Unis, tint bon et insista pour que les deux traités fussent ratifiés ou annulés ensemble, et le président se résigna à céder. Pourtant les ratifications étaient à peine échangées, que le ministre américain, ne tenant nul compte du traité de limitation, demandait, au nom de son gouvernement, une modification considérable dans le règlement des frontières. Le gouvernement mexicain repoussa cette demande avec d’autant plus d’énergie, que la nation mexicaine se prononçait très vivement contre la cession du Texas. Nous lisons, en effet dans une des lettres de M. Butler au général Jackson : « Je n’ai pas perdu de vue un instant la question du Texas, au sujet de laquelle vous témoignez tant d’inquiétude, car, outre que je sais quels sont vos désirs, je ne suis point insensible aux grands avantages que notre pays tirerait de cette acquisition…. Mais l’opinion publique dans ce pays est tellement opposée à l’acquisition du Texas par les États-Unis, que le gouvernement, non-seulement n’oserait pas accueillir une proposition à ce sujet, mais oserait encore moins consentir à nous céder ce pays. Chaque fois que les journaux désiraient raviver le feu de l’opposition contre le président Guerrero, il paraissait des articles qui l’accusaient de vouloir nous vendre le Texas, et l’on ajoutait que, pour ce crime seul, il méritait d’être renversé du pouvoir. »

Le gouvernement américain ne rougit pas de descendre aux chicanes diplomatiques les plus mesquines ; ainsi M. Van Buren écrivait à M. Butler : « On m’a assuré que des deux rivières qui se jettent dans la baie de la Sabine, celle qui coule le plus à l’ouest est la plus considérable, et qu’on pourrait soutenir avec raison que c’est celle dont il est question dans le traité de limitation. » Le gouvernement mexicain répondit que les deux rivières avaient toujours été connues, l’une sous le nom de Sabine, l’autre sous celui de Rio de las Nechez, et qu’il n’y avait pas de confusion possible. La chancellerie américaine se mit alors à étudier les cartes, et finit par découvrir bien au-delà du Rio de las Nechez une autre Sabine, qui se jette dans le Rio Bravo del Norte, auprès de Loredo. M. Butler ne craignit pas de prétendre que ce devait être la Sabine désignée par le traité, que la question était au moins douteuse, que le meilleur moyen d’en finir était de faire un nouveau traité, et il indiquait le désert de la Grande-Prairie comme une limite naturelle. Comme on refusait bien plus vivement encore de céder des provinces