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sont devenus prédominans dans le sud, et le code de Lynch y ferme la bouche à tout contradicteur. S’il arrive que, par des concessions de places, et en invoquant une alliance consacrée depuis longues années et cimentée par la communauté de principes, M. Calhoun réussisse à enlever à M. Van Buren l’appui des démocrates du nord, il pourra devenir président ou faire élire M. Tyler, ce qui reviendrait au même. En effet, en associant le nom de M. Tyler au sien dans sa lettre à lord Aberdeen, M. Calhoun lui a fait passer le Rubicon ; le président ne peut se séparer de M. Calhoun sans se condamner à un entier isolement et ruiner ce qu’il peut conserver d’espérances. En attendant, M. Calhoun a déjà obtenu le résultat qu’il avait en vue, celui de placer dans une position fausse et de compromettre vis-à-vis d’une partie de leurs amis les deux hommes qui avaient le plus de chances d’être élus, M. Van Buren et M. Clay.

Les whigs ont pour M. Van Buren une haine qui n’a d’égale que leur mépris ; cela se comprend jusqu’à un certain point de la part d’adversaires politiques ; malheureusement pour M. Van Buren, il ne jouit pas non plus d’une très grande considération dans son propre parti. On lui reproche surtout de manquer de principes arrêtés, ou plutôt de n’en avoir pas du tout, et de se laisser guider en tout par une ambition effrénée et peu scrupuleuse. Sa vie politique a été d’une mobilité extrême : il a débuté dans le parti démocratique sous les auspices de Madison, et le quitta bientôt pour Clinton, son antagoniste, qu’il abandonna à son tour. Plus tard, on le vit hésiter entre M. Adams et M. Jackson, et c’est quand il eut perdu tout espoir d’arriver jamais au premier rang dans le parti whig, qu’il se décida pour le général Jackson, auprès duquel sa souplesse, sa flexibilité, ses flatteries, lui donnèrent un avantage marqué sur M. Calhoun. C’est un homme froid, impassible et dissimulé, mais qui sait devenir caressant au besoin, d’un talent de parole assez remarquable, d’un esprit délié et fécond en ressources, mais porté vers les moyens détournés, et connaissant à fond toute la stratégie parlementaire. Ses doctrines politiques n’ont rien de tranché, il n’est point partisan décidé de l’esclavage, son opinion est subordonnée aux besoins du moment. C’est ainsi qu’en 1836, lorsqu’il fut appelé comme vice-président à départager le sénat au sujet de l’admission de l’Arkansas, il vota, quoique d’avis contraire, pour l’admission, afin de ne pas perdre les suffrages du sud, qui le portait alors à la présidence, et maintenant il se déclare contre le sud.

M. Clay est tout l’opposé de M. Van Buren. Sans parens, sans amis, il a refait deux fois sa fortune, et n’a jamais interrompu sa carrière politique.