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à tort d’exagération. Témoin des incertitudes et des lenteurs du pouvoir dans l’examen de la question, il l’a portée lui-même devant la France : il a voulu la mettre à l’étude ; c’était le moyen d’en assurer la solution. Au surplus, les répugnances du gouvernement pour l’extension de notre marine à vapeur ne sont plus un secret. On en cite les preuves à la tribune, et le ministère ne les dément pas. Si donc, dans la pensée de M. le prince de Joinville, cette disposition du gouvernement est un danger pour le pays ; c’était son devoir de la signaler. L’amiral Lalande pensait que notre flotte n’est pas suffisamment exercée dans les manœuvres. Il critiquait le système de la disponibilité de racle, dont le seul avantage est de maintenir la discipline à bord. Il voulait que la flotte devînt plus mobile, que l’on montrât plus souvent nos escadres sur les mers. Il voulait surtout que les stations maritimes envoyées près de nos consuls ne fussent plus un simulacre impuissant de notre force. À ses yeux, c’était compromettre la politique de la France au lieu de la servir. Nous avons aujourd’hui sous les yeux un triste témoignage de cette vérité. La question de la Plata aurait pu être terminée dans l’origine par le blocus de Buenos-Ayres, si les moyens donnés aux agens de la France pour exécuter cette mesure de vigueur eussent été suffisans. Le gouvernement voulait un blocus énergique ; mais, le comte-amiral Leblanc n’ayant pas assez de vaisseaux pour le rendre efficace, les choses ont traîné en longueur, et toutes les complications que l’on connaît sont survenues. On peut supposer également que, si nos agens eussent eu des forces suffisantes dans la Plata au moment de la rupture entre la France et Buenos-Ayres, ils n’auraient pas accepté le concours de Riveira pour prendre l’île de Martin-Garcia, déplorable faute dont les ennemis de la France se sont emparés pour discréditer sa politique dans ces parages. Ce sont là des aveux qu’il est pénible de faire, mais ils renferment des leçons dont le gouvernement doit profiter. L’amiral Lalande attachait le salut de la flotte aux approvisionnemens. Il éprouvait à cet égard de vives inquiétudes ; la chambre les a partagées. Ce côté administratif de la question de la marine a été exploré par plusieurs orateurs qui ont signalé des irrégularités graves. La situation des arsenaux n’a pu être éclaircie. On reproche à M. le ministre de la marine de n’avoir pas donné là-dessus les renseignemens nécessaires. Il est bien possible que M. de Mackau ne les ait jamais eus entre les mains. La commission du budget démontre que depuis six ans, malgré l’accroissement extraordinaire des crédits, nos approvisionnemens se sont épuisés, pendant que notre flotte à voiles a diminué de quatre vaisseaux et de quinze frégates ! D’où peut venir un résultat si affligeant ? M. le prince de Joinville avait-il tort de dire que la plus grande plaie de la marine est le mauvais emploi des fonds qui lui sont accordés par les chambres ? M. de Mackau avait du reste reconnu, il y a un an, la nécessité d’une réforme. Il avait envoyé à Brest une commission spéciale chargée de préparer une ordonnance qui rétablit l’ordre et le contrôle dans toutes les parties du service. L’ordonnance a paru le 14 juin dernier ; mais, en ce qui touche le