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années de la révolution (1789-1791), et dans lesquels il cherche à démontrer la conciliation des mesures politiqués récentes avec les croyances chrétiennes ou même catholiques, on serait tenté de conclure qu’il ne s’émancipa que vers cette époque et graduellement ; mais, comme on retrouve les mêmes précautions et les mêmes ambiguïtés gallicanes dans son écrit sur la Puissance temporelle des Papes, c’est-à-dire à une époque où il était dès long-temps acquis aux pures doctrines philosophiques, on ne saurait s’arrêter à ce qui pouvait n’être chez lui que ménagement de langage. Il est à conjecturer que la foi première persista quelques années en lui, favorisée par l’étude, par la pureté des mœurs, dans cette vie abritée : on aimerait à se persuader qu’il croyait encore, lorsqu’il s’engagea définitivement, quelques années plus tard (1787), dans les voies irrévocables du sacerdoce, auquel semblait l’obliger d’ailleurs l’enseignement théologique qui lui était confié. Cependant un moment dut venir, antérieur à la révolution, où il ne se considérait plus, même sous ces beaux ombrages et dans ces maisons spacieuses de l’ordre, que comme un captif, ou du moins comme un sage qui dissimule et qui sacrifie aux règles du dehors pour mieux s’assurer la liberté silencieuse du dedans. On a beaucoup parlé du relâchement de l’Oratoire en ces années finissantes ; je ne me permettrai pas de jugement général, et je crois tout-à-fait que la physionomie extérieure de l’ordre était restée très convenable, très satisfaisante aux abords de la révolution. L’éducation qu’on y recevait n’avait pas cessé d’être excellente, et d’assez illustres témoins seraient encore là au besoin pour l’attester. Quant au fonds, il n’y a plus guère à douter qu’il ne fût très compromis sur plus d’un point. A côté de vertus très réelles, de croyances assurément très conservées, et dont les Adry, les Tabaraud et tant d’autres ont donné jusqu’à la fin des exemples persistans, il y avait un courant d’incrédulité qui circulait. J’ai moi- même, dans ma jeunesse, entendu de ces anciens oratoriens se racontant, se rappelant entre eux l’arrière-fond de leur vie et de leurs pensées en ces années de régularité extérieure. Le jeune Oratoire était en partie philosophique, et de la philosophie d’alors la plus avancée. Qu’on ait trouvé à Juilly, dans les tiroirs des anciens oratoriens, quelques cahiers contenant des extraits de Spinoza, matière de curiosité ou de réfutation peut-être, cela est moins parlant, moins significatif que ce qui se passait à voix basse dans le jardin, à l’ombre du marronnier d’Houbigant, autour du doux vieillard Dotteville. Ce père Dotteville était un enfant naturel, si je ne me trompe, d’un grand seigneur danois qui lui avait laissé 29,000 livres de rente. Tempéré d’humeur,