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élever le ton de la vie publique, de fixer le vrai caractère des partis politiques et de porter les Anglais à distinguer plus soigneusement à l’avenir les choses des mots, les réalités des fantômes. » Avant de discuter les idées sérieuses de l’auteur, avant d’apprécier l’esprit nouveau qu’il a essayé de dépeindre, je ne puis me dispenser d’indiquer les combinaisons dans lesquelles il lui a plu de faire mouvoir ses idées et le cadre qu’il a donné à son tableau.

Le roman s’ouvre en 1832 ; c’est l’année de la réforme parlementaire, et l’on peut deviner que l’auteur va suivre l’histoire des partis depuis la perturbation jetée par cet évènement dans le mécanisme des institutions anglaises. Le héros du livre, le représentant de la nouvelle génération, Henry Coningsby, âgé alors de quinze ans, est au collége d’Eton. Coningsby est le petit-fils d’un des seigneurs les plus riches de l’Angleterre, le marquis de Monmouth. Le vieux lord est un de ces égoïstes sybarites chez lesquels l’épicuréisme, gâté par toutes les prévenances de la fortune, engendre, sous l’enveloppe de mœurs élégantes, je ne sais quelle implacable férocité. Il est brouillé avec son fils aîné. Son second fils, père de Coningsby, est mort victime de ses duretés. Cependant les succès de Coningsby à Eton et les brillantes qualités qu’il révèle de bonne heure lui obtiennent la faveur de lord Monmouth, dont ils flattent l’orgueil. Coningsby débute donc dans la vie sous de magnifiques auspices. Au sortir d’Eton, où il a formé des amitiés avec les jeunes gens des premières familles d’Angleterre, il est introduit dans le monde par une visite au château du duc de Beaumanoir, père de lord Henry Sidney, un de ses jeunes camarades. M. d’Israeli, pour ne pas perdre le temps, fait servir les visites de son héros à son apprentissage de futur chef de parti : ainsi, dans la maison noble et patriarcale de ce duc, Coningsby se lie avec un jeune gentilhomme catholique, sir Eustace Lyle, un des plus riches propriétaires de son comté, et dont la bienfaisance lui suggère ses premières idées Sur le paupérisme et sur la condition de la classe agricole ; il y devient aussi l’ami d’une des filles du duc, lady Everingham, femme brillante, qui doit être plus tard une des plus séduisantes recruteuses de la jeune Angleterre. Coningsby, en quittant Beaumanoir, va faire une tournée dans les districts industriels. Il rencontre aux environs de Birmingham le père d’un de ses meilleurs amis d’Eton, un riche manufacturier, M. Milbank, qui lui explique les grands intérêts que l’industrie représente en Angleterre. De là l’auteur mène son héros dans la résidence princière de son grand-père, à Coningsby-Castle : il y trouve réunie la plus splendide société de l’Angleterre. Il y gagne