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de la compagnie de se préparer à une attaque, aux Hindous des montagnes d’attendre une occasion favorable sans se trahir par des mouvemens précipités. A l’époque des fêtes du Dourga-Poudja, des bandes armées se déployèrent tout le long des marches qui conduisent de la plaine au sommet de Pârvatî-Hill ; le résident demanda des explications à Badjî-Rao sur cet appareil militaire, dont il avait pénétré sans doute le véritable motif. Le pechwa répondit qu’il voulait donner à la fête un éclat inaccoutumé. En effet, la cérémonie fut solennelle : le soleil faisait étinceler une forêt de mousquets et de piques échelonnés sur les immenses gradins de la colline. La dernière armée mahratte, fière de son nombre, regardait avec un fol orgueil le petit camp des Anglais, perdu dans le bassin spacieux que domine Pârvati-Hill. La population confiante regardait avec une joie secrète les préparatifs de cette trahison, qui devait lui faire perdre l’ombre d’indépendance dont elle jouissait encore. Le 5 novembre, Badjî-Rao attaqua brusquement la résidence ; ses troupes, repoussées par le colonel Burn, se retranchèrent au nord-ouest de la ville, dans les gorges de Ganeça. Au fond de ce défilé, devant lequel se dresse la montagne sainte avec ses trois temples, trente mille Asiatiques éprouvèrent encore ce que peut une poignée de soldats européens conduits par des chefs habiles. Une déroute complète rejeta l’armée du pechwa loin de la capitale. Les autres chefs de l’ancienne confédération, qui s’étaient levés tous à la fois dans une grande étendue de pays, essuyèrent des échecs considérables sur divers points. Badjî-Rao, quatre fois battu, réduit à fuir, dépouillé de ses citadelles, enlevées l’une après l’autre, ne sachant plus sur quelle montagne trouver un asile, se rendit à sir John Malcolm, dans le courant de l’année 1818. Admis, aux termes d’une capitulation honorable à se retirer avec une forte pension là où se retrouvent les radjas dépossédés, il dit adieu à la Bénarès de l’ouest pour aller, dans la véritable capitale du brahmanisme, bâtir pieusement des pagodes et rêver à sa gloire passée.

Cependant on ne voulait pas laisser les Mahrattes sans un fantôme de prince. Le descendant de Civadjî, Pertab-Singh, relégué à Sattarah comme ses aïeux depuis le jour où les pechwas (ministres civils), véritables maires du palais, avaient usurpé, une autorité héréditaire, fut remis par les vainqueurs sur le trône de sa dynastie ; mais c’est à Sattarah, à quelques lieues de la capitale, qu’on lui permettait de résider, dans une ville qui ressemble à une forteresse. Il n’eut à gouverner qu’un petit territoire, dont il a été dépouillé il y a quelques années, et son contingent fut fixé à cinq cents cavaliers et quatre mille fantassins,