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tient tout au plus la moitié de sa parole. Il paraît que, pour la nouvelle génération, l’art est resté ce qu’il était au vieux temps, chose plus difficile que la critique ; la jeune Angleterre, ou du moins M. d’lsraeli, n’a rien changé à cela. Aussi l’auteur de Coningsby a mieux aimé crayonner lestement des caricatures que de construire un système, affiler des épigrammes que de condenser des idées à la fois neuves et profondes ; il a cédé à la critique, à la satire, à l’invective, la place promise avec pompe à l’exposition de ces merveilleux principes qui doivent régénérer l’Angleterre.

Coningsby, même dans la sphère où le portent ses altières prétentions, est donc surtout un livre de polémique, on pourrait dire un pamphlet. M. d’Israeli est un fondateur d’école qui a plus souvent l’épée à la main que la truelle, et, chose curieuse ! il n’attaque et ne blesse que le parti au milieu duquel il siége au parlement. Il y a quelques semaines, dans la séance la plus agitée qui ait ému cette année la chambre des communes, M. d’Israeli reprochait à sir Robert Peel, avec une amertume qui a été remarquée même en France, l’outrageante dureté de ses procédés à l’égard de son parti. De quel parti M. d’Israeli voulait-il parler ? Du parti conservateur apparemment. La défense de la dignité du parti conservateur était, pour le moins, une singularité étrange dans la bouche de l’auteur de Coningsby Lorsque M. d’Israeli montrait sir Robert Peel traitant ses amis comme des esclaves, et faisant siffler à leurs oreilles le fouet insultant de la menace, il ne croyait donc pas s’adresser à des lecteurs de Coningsby. Le parti conservateur n’a jamais été plus cruellement fustigé que dans ce livre. Ce parti n’a pas de plus violent ennemi intime que M. d’Israeli.

M. d’Israeli n’a négligé en effet aucun des moyens d’hostilité que la forme de son ouvrage mettait à sa disposition. Il ne lui a pas suffi de juger la conduite générale du parti conservateur dans des considérations glissées comme des à parte, toutes les fois que l’action du roman touche à quelque évènement politique significatif. Il analyse, en les faisant vivre dans les principaux personnages de son œuvre, les diverses nuances de caractères et d’intérêts que réunit le torysme. Sans doute, M. d’Israeli divise le parti tory en deux groupes : il y a, pour lui, de bons et de mauvais tories. Il couvre de sa prédilection les premiers, qu’il enrôle dans la jeune Angleterre ; mais les autres, qu’il marque d’un signe réprouvé, qu’il flagelle de ses sarcasmes, qu’il livre au mépris et à la risée, ceux qui appartiennent à la vieille génération, forment précisément le gros du parti que dirige sir Robert Peel. Ce