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favoris ! S’il y a eu dans les temps modernes et dans les monarchies absolues un grand roi, c’est bien certainement Louis XIV ; et si les partisans de l’ascendant royal veulent citer un grand souverain s’appuyant sur un grand ministre, ils ne sauraient, rappeler un plus bel exemple que Louis XIV et Colbert. Pourtant Colbert fut légué pour ainsi dire à Louis XIV par Mazarin, dont il avait été l’homme d’affaires ; et à quel prix l’illustre contrôleur-général acheta-t-il l’exercice de l’autorité ? Ceux qui, ayant le bonheur de vivre sous un gouvernement libre, flétrissent à leur aise, les compromis d’intérêt dont on y paie le pouvoir, seraient plus reconnaissans pour les institutions qui les régissent, s’ils daignaient étudier l’histoire des monarchies absolues. Ce Colbert, qui relevait nos finances ruinées, qui donnait à Turenne l’argent que Turenne transformait en conquêtes et en gloire, qui, en quelques années, créait magiquement à la France, auparavant sans escadre, une flotte de cent vaisseaux de ligne, qui fondait notre industrie et notre commerce, qui fertilisait notre littérature par ses nobles générosités ; ce Colbert eût été heureux s’il n’avait été obligé de payer la faveur de Louis XIV que par les magnifiques prodigalités de Versailles : c’est par d’autres services encore qu’il se recommandait à son roi ; c’est lui qui alla violemment arracher une première fois au cloître et au repentir Mlle de La Vallière, et je lisais dernièrement une lettre où Louis XIV, entre autres ordres de conséquence, l’avertissait, de l’armée, qu’il eût à faire peindre en vert la volière de Mme de Montespan. Auprès de ce même Louis XIV, voyez l’origine de la fortune de Chamillart, introduit, par sa force au billard, à la cour, et pour avoir fait la partie du roi, trouvé digne par lui de porter le double héritage de Louvois et de Colbert ! M. d’Israeli n’aurait pas plus de raison d’appréhender que le talent pût être garrotté et rendu stérile dans la personne d’union par le mécanisme des institutions représentative : cette sublime union des qualités de l’intelligence et du caractère qui forme le génie prend et prendra toujours son niveau, quelles que soient les conditions où elle puisse être placée, et il ne faudrait rien comprendre à la nature des vraies supériorités pour s’imaginer qu’une couronne constitutionnelle pût les condamner à une irrémédiable impuissance. le gouvernement représentatif ne donne des maires du palais qu’aux princes que leurs facultés n’élèvent pas au-dessus du rôle de rois fainéans : l’histoire contemporaine en fournirait au besoin d’éclatans exemples. M. d’Israeli n’a pas à craindre que la royauté soit honteusement subjuguée en Angleterre par ces influences aristocratiques qu’il compare à la tyrannie du patriciat vénitien. Au temps même où l’aristocratie