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spirituel ; il demande aux assemblées politiques de nos jours d’être l’organe de la nouvelle puissance spirituelle : il ne s’agit pas, dit-il, de renverser la cité catholique, mais bien de la réaliser. M. Quinet continue dans l’ordre spéculatif l’erreur qui l’a si fort fourvoyé quand il a voulu tracer des généralités historiques. Nous l’avons vu, quand il parlait du moyen-âge absorber entièrement le pouvoir temporel dans la puissance spirituelle ; maintenant il appelle puissance spirituelle le pouvoir temporel lui-même. Il aperçoit l’avenir de l’humanité sous la forme d’une église universelle ; les assemblées seront des conciles, et leurs décrets remplaceront les bulles des papes. Tout cela est faux ; non, je me trompe, tout cela est puéril : c’est jouer avec les mots, ce n’est pas traiter gravement la réalité. Il y aura toujours deux ordres d’idées fort distincts : l’ordre spirituel, l’ordre temporel. Nous avons déjà montré dans cette Revue[1] que ces deux ordres étaient aussi étendus, aussi complets l’un que l’autre, et qu’ils devaient se respecter mutuellement dans leurs attributions et leurs limites légitimes. Nous ne reviendrons pas sur ce point. Il nous suffit d’avoir rendu sensible l’erreur de M. Quinet.

Si le pouvoir politique, sous le nom de pouvoir spirituel, absorbait tout, que deviendrait la religion ? C’est ce que nous cherchons en vain dans le livre de M. Quinet. Il nous a dit expressément qu’il aspirait à un enseignement plus véritablement religieux que l’enseignement ecclésiastique (pag. 116). Quel est cet enseignement religieux ? L’année dernière, M. Quinet écrivait qu’il était de la communion de Descartes, de Turenne, de Latour-d’Auvergne, de Napoléon. Or, tous ces illustres personnages appartenaient à la communion catholique, car probablement M. Quinet entendait parler de Turenne après sa conversion. En rappelant ces grands noms, il se proposait sans doute de montrer qu’il ne voulait pas se séparer de l’église catholique Aujourd’hui, nous ne trouvons plus M. Quinet dans la même situation ; il proclame que le catholicisme va se retirer des états modernes, et il cherche pour le remplacer un principe religieux d’être et de durée. Quel sera ce principe ? M. Quinet incline-t-il au protestantisme ? On pourrait d’abord le penser quand on voit l’auteur de l’Ultramontanisme emprunter parfois des armes aux protestans pour combattre l’église catholique ; mais au-delà de ces apparences il n’y a plus de similitude entre les croyances du protestantisme et les idées que professe aujourd’hui M. Quint. Le protestantisme est une religion fort positive ; il a des dogmes très arrêtés,

  1. L’Église et la Philosophie. — Revue des deux Mondes, 15 octobre 1843.