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mortels de leur bonheur ou de leur beauté, et qu’elle craignait le sort de Niobé[1].

Le chevrier de Théocrite dit : Il ne faut pas jouer de la flûte à l’heure de midi ; à cette heure, nous craignons Pan, terrible lorsqu’il se repose après les fatigues de la chasse. On redoute encore l’heure de midi ; les enfans disent : Ne restons pas dehors à midi, ou malheur nous arrivera. La cause de cette crainte peut être l’ardeur du soleil, si dangereux en Grèce durant l’été.

La science menteuse des présages n’a point péri, et les amans disent chaque jour : « Mon œil a frémi, je vais voir celle que j’aime. » Les jeunes filles qui veulent savoir si elles sont aimées, frappent une feuille de rose placée sur leur main ; si elle fait du bruit, l’indice est favorable. Dans Théocrite, le chevrier fait la même expérience avec une feuille de pavot. L’inspection des entrailles des victimes, qui revient si souvent dans Homère, a quelque rapport avec l’usage moderne de lire l’avenir sur les os, et particulièrement sur l’omoplate d’un mouton rôti qui a été dépecé dans les festins homériques de klephtes[2].

J’ai vu près d’Athènes une colonne autour de laquelle sont enroulés chaque jour des fils auxquels les malades attachent l’espoir de leur guérison C’est que non loin de là s’élevait le tombeau du médecin scythe Toxaris, et ce tombeau était surmonté d’une colonne toujours ornée de couronnes qu’on y suspendait pour guérir de la fièvre. Près de l’endroit où était la statue de Diane, au pied de laquelle les femmes, après le premier accouchement, déposaient leurs ceintures, elles sont aujourd’hui glisser assises sur le rocher, pour devenir fécondes[3]. Mainte église chrétienne a hérité de quelque superstition païenne. L’église de Saint-André, à Patras, bâtie sur l’emplacement d’un temple de Cérès, voit accourir une foule de pèlerins empressés de boire l’eau d’une source tenue pour sacrée, avec une dévotion qui remonte certainement au paganisme. A l’ouest de l’Aréopage était un temple

  1. Il ne faut pas pousser la rage des rapprochemens aussi loin que l’a fait Guys, qui remarque à ce sujet que les femmes du peuple, à Marseille, ont conservé l’usage de cracher sur ce qu’elles méprisent et sur ce qu’elles veulent insulter. Je doute qu’il y ait dans cet usage des poissardes de Marseille rien d’antique ou d’attique.
  2. Dodwdll, Travels, t. I, 309.
  3. C’est ainsi qu’à Ténéh, en Égypte, une Isis, appelée dans une inscription accoucheuse, est le but d’un pèlerinage qu’accomplissent les femmes stériles. Letronne, Inscriptions de l’Égypte, p. 379-80.