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adresse à Minerve un récit plein de menteries tout-à-fait inutiles qui obtient de la déesse cette louange singulière. Certes il serait un habile trompeur celui qui le surpasserait en artifice.

Les Athéniens passaient dans l’antiquité pour aimer la nouveauté et le changement. Depuis la révolution du 2 septembre, qui a fondé chez eux la vie politique, on doit reconnaître qu’ils n’ont pas encore trop laissé paraître ce défaut ; ils n’en ont guère eu le temps, il est vrai. Espérons qu’ils continueront sagement comme ils ont commencé, qu’après avoir voté leur constitution, ils s’y tiendront, et qu’on n’aura pas à dire d’eux ce qu’Aristophane disait de leurs ancêtres : « Ils sont prompts à rendre des décrets, puis, les décrets une fois rendus, ils ne veulent plus les exécuter. » Mais un point par lequel plusieurs d’entre eux se sont montrés déjà trop semblables aux Grecs d’autres lois, c’est la tendance à se diviser, à se fractionner, au lieu de se fondre et de s’unir, c’est cet esprit de jalousie étroite qui fit tant de mal à la Grèce antique en la morcelant, et, après l’avoir épuisée par des luttes et des déchiremens intérieurs, la livra sans défense aux tyrans étrangers. Ce patriotisme de canton, au lieu du grand patriotisme grec, n’a encore aujourd’hui que trop de puissance. On a vu, le lendemain de la dernière révolution, un parti nombreux refuser les droits politiques, l’isonomie à des citoyens que le hasard avait fait naître hors des limites de la Grèce actuelle ; et cependant l’avenir de la Grèce est dans l’union de ses enfans de tous ceux qui ont l’honneur de parler le langage dans lequel ont été écrits les plus beaux livres qui existent. La Grèce n’a été unie que deux fois : la première, dans les temps héroïques, pour cette expédition qu’Homère a immortalisée ; la seconde, pour cette lutte contre l’Asie, d’où est sortie la civilisation du monde. Il faut qu’une troisième fois toutes les populations helléniques soient réunies en un corps de nation. Alors seulement la Grèce pourra quelque chose de grand. On ne doit pas sans doute compromettre cet avenir en le voulant précipiter, mais on doit y tendre ; et pour arriver plus sûrement au but, il n’est pas nécessaire de commencer par lui tourner le dos.

Non-seulement le peuple grec offre encore des traits généraux de son ancien caractère, mais on peut démêler jusqu’aux traits particuliers qui distinguaient la physionomie morale des différentes populations helléniques. « Athènes, dit M. Gell, est la ville la plus polie de la Grèce ; les eleuthero-lacones gardent encore leur indépendance et leur aversion pour les étrangers. Les hommes les plus vigoureux se trouvent encore à Daulis ; les Acananiens et les Épirotes sont encore