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conds. Voilà un souci qui n’a point, avant ces derniers temps, assez préoccupé les hommes qui ont traité ces matières. Sismondi seul s’en montre touché, quoique d’une manière désespérante et négative. Les autres se contentent de dire qu’une science d’observation n’est pas une science de sentiment, et que le rôle du médecin au chevet du malade consiste à guérir et non à s’apitoyer. Soit ; mais de son côté le malade se confie en raison de l’intérêt qu’on lui témoigne, et quand la guérison se fait attendre, il s’impatiente et ferme sa porte au médecin. C’est l’histoire des économistes : ils ont voulu convaincre et ont négligé de se faire aimer ; ils en portent aujourd’hui la peine.

Voilà par quelles phases a passé l’économie politique avant d’arriver jusqu’à nous. Si elle a eu à souffrir de son propre fait et du fait de ses ennemis, aucun coup sérieux ne lui a été néanmoins porté. Ses grands principes restent intacts ; ses analyses n’ont rien perdu de leur valeur. Déjà des esprits éminens, et parmi eux M. Rossi, l’ont remise sur la voie de l’avenir et ont su lui ménager une seconde période qui s’annonce avec quelque éclat. C’est de ce mouvement que nous aurons à nous occuper ici, et parmi les noms qu’il met en relief s’offre, en première ligne, celui de l’ancien professeur au collège de France. Sa vie est de celles qui méritent qu’on s’y arrête : elle est pleine d’excellens travaux et d’infatigables excursions dans tous les champs de la pensée.

Né à Carrare en 1787, M. Rossi commença ses études dans la ville qui a donné son nom à un peintre illustre, à Correggio, dont le collége jouissait alors d’une vogue méritée, et vint les achever dans les universités de Pavie et de Bologne. On sait ce que furent jadis ces grands foyers de l’enseignement italien, et quels hommes supérieurs en sortirent. En mettant même Vico à part, on est embarrassé pour le choix des noms, tant ils abondent. Ce sont des criminalistes comme Beccaria, des moralistes comme Filangieri, des économistes comme Galiani et Verri. M. Rossi devait marcher sur les traces de ces penseurs célèbres, et les continuer en les rectifiant. Ses progrès furent si rapides, qu’à l’âge de dix-neuf ans il obtenait, à l’unanimité des suffrages, le grade de docteur en droit. Le programme des études n’était, dans les écoles d’Italie, ni étroit ni exclusif ; il embrassait la connaissance des sciences exactes. Aussi le jeune légiste put-il donner carrière à toutes ses facultés et développer les diverses aptitudes de son esprit. Il poussa les mathématiques jusqu’aux premières notions du calcul intégral et différentiel, et s’initia aux sciences morales et économiques, qui formaient un cours obligatoire, compris dans la ma-