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tirant les oreilles dont parle Théocrite. Mille coutumes charmantes de l’antiquité subsistent encore. Ainsi, les jeunes filles de l’Hélicon portent une ceinture qu’elles déposent le lendemain de leurs noces.

La condition des femmes n’a pas beaucoup changé. La femme, fidèle aux habitudes du gynécée, sort rarement du logis. A Athènes, on voit peu de femmes dans les rues ; jamais elles ne s’y mêlent aux hommes, et n’y font pas, comme chez nous, partie de la foule ; elles semblent se souvenir de ce précepte que leur dorme Euripide : ce qu’une femme peut faire de mieux, c’est de demeurer dans l’intérieur de sa maison. La femme grecque sert son mari, elle lui apporte la pipe et le café, et ne s’assied pas devant lui. On s’étonnerait peu de lui entendre dire comme Tecmesse à Ajax : O maître !

Les réjouissances qui accompagnent le mariage rappellent par plus d’un trait les noces antiques. Le flambeau de l’hymen est porté devant les nouveaux époux. On place sur leur tête la couronne de fleurs, suivant un usage dont parle Homère. Le beau-père offre à son gendre la coupe que remplit la rosée bouillonnante de la vigne, comme dit Pindare en parlant de cette cérémonie, déjà pratiquée de son temps. La nouvelle épouse, qui s’appelle comme autrefois la nymphé, s’avance au milieu des chants et des danses de ses compagnes. On croit les voir telles qu’elles sont représentées sur le bouclier d’Achille, conduisant l’épouse à travers la ville, à la clarté des flambeaux, tandis que la foule entonne le chant d’hymen, que les jeunes gens dansent et pirouettent, que les flûtes et les lyres retentissent. Les chants alternatifs des compagnons du marié et des jeunes filles qui entourent l’épouse, les efforts folâtres qu’elles font pour la retenir, rappellent plusieurs détails de l’épithalame grec tel que l’avait traité Sapho, imitée par Catulle[1].

Les jeunes filles qui ont ramené la mariée de l’église dans sa demeure vont, le soir, chanter à la porte de la chambre nuptiale, comme Théocrite nous peint les jeunes compagnes d’Hélène, les cheveux ornés de fleurs d’hyacinthe, les pieds entrelacés et se tenant par la main, adressant à l’épouse et à l’époux le chant gracieux et enjoué de l’hymen.

Plus d’un voyageur a remarqué la ressemblance des danses modernes de la Grèce avec celles dont l’antiquité nous a laissé la description poétique. La danse qui a lieu tous les ans le 1er avril autour du temple de Thésée parait provenir en droite ligne de la danse que Dédale inventa pour la belle Ariane, dont le souvenir serait encore lié

  1. Ot. Müller, Histoire de la littérature greque, t. I, p. 322-4.