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se termine par des plaintes semblables à celles que les femmes grecques font retentir auprès d’un cadavre. Il en est de même du dernier chœur des Sept Chefs d’Eschyle. Antigone et Ismène adressent à leurs frères morts un véritable myriologue. Rien ne ressemble plus aux gémissemens entrecoupés de la muse tragique que ces plaintes simples et touchantes, prononcées par une mère en présence du corps de sa fille ; « Ma fille, ma joie, tu n’es plus, et j’ai des yeux, j’ai une voix, j’ai des pieds ; je vois, je parle, je marche ! » Je traduis mot à mot les paroles expressives que la version de Guys a singulièrement affaiblies Ainsi, on reconnaît dans Homère, dans Eschyle, dans Euripide, le simple myriologue existant déjà au temps de la guerre de Troie, et conservé jusqu’à nous par la constance des coutumes populaires.

Plusieurs traits des mœurs grecques rappellent les anciennes pratiques de l’agriculture et de la navigation Le grain est foulé sur l’aire par des chevaux, comme il l’est dans l’Iliade par des bœufs, comme l l’était chez le Égyptiens par des porcs, au dire d’Hérodote et par des troupeaux de chèvres, d’après les monumens.

En naviguant près des côtes de la Grèce, on se croit transporté au temps où les Grecs de l’Iliade montèrent sur leurs mille vaisseaux, vaisseaux qui ressemblaient beaucoup aux caïques d’aujourd’hui. Ces petits bâtimens goudronnés au dehors sont bien les navires noirs d’Homère. Le système de navigation est pareil : pendant le calme, on supprime le mât et les voiles, et on se sert de rames ; quand le vent se lève, on dresse le mat, on déroule la voile, on la déploie, et le navire court sur les flots. Quand la nuit vient, ou si la mer est trop mauvaise, on aborde et l’on tire, le bâtiment à terre, j’ai vu souvent des caïques rangés ainsi sur le sable, comme les navires des Grecs sur les côtes de la Troade. Le cri du marinier de l’Archipel, rappelle celui des matelots dans la Paix d’Aristophane. Chaque rame est fixée à une cheville par un lien de cuir, comme le dit Eschyle dans les Perses, tant est complète et minutieuse la ressemblance des anciennes mœurs et des mœurs modernes. C’est que la tradition es usages antiques se conserve surtout dans les détails les plus familiers de l’existence, dans le cri du matelot, dans la chanson de la nourrice, dans les jeux de l’enfant.

Il ne faut pas, comme M. Guys, rapporter à une origine grecque des jeux qui se trouvent, ailleurs qu’en Grèce, comme la toupie ; mais il en est de particuliers aux enfans grecs. Tel est le jeu de la tortue, cité par le même voyageur, et le jeu des astragales, trouvé par M. Ulrichs dans le village phocéen d’Arachova. Ce fut en jouant à ce jeu que