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rubis ou les émeraudes aux blanches oreilles de sa maîtresse ; tel autre enfin se tient prêt à offrir le riche collier de perles, le trop heureux collier qui doit étinceler sur les neiges de l’épaule et du sein. Et pendant tout cela, on discute le nombre des papillottes, le volume et le rang que chacune doit tenir. Est-il donc rien de plus sérieux, de plus important ? Quant à la jeune femme qui se voit l’objet de toutes ces prévenances, c’est par un regard, par un simple sourire qu’elle daigne y répondre ; chacun la quitte enchanté, et, plus que la veille encore, épris d’elle. A-t-elle perdu sa matinée ? Non, certes, car il n’est pas un seul de ses noirs cheveux qui ne doive arracher des soupirs, une seule mèche qui ne lui ait valu un cœur tout entier.

Assurément, ce sont là de magnifiques triomphes ; malheureusement, ce n’est point sans efforts, la marquise finit par le comprendre, que l’on parvient à les obtenir. La jeune femme est un peu fatiguée déjà de ces bals où l’on étouffe, de ces plaisirs bruyans dont le plus clair résultat est la pulmonie ou la fièvre, de ces tertulias, cohues élégantes où se déchirent les plus belles réputations. Elle-même cependant, la douce et naïve marquise, elle est vraiment passée maîtresse dans cet art charmant de calomnier ou de médire ; amis, ennemis, indifférens, inconnus, personne devant elle ne trouve grace. Le comte est émerveillé des progrès de son élève, et il est décidé à ne pas s’arrêter en si beau chemin. Il réussira sûrement s’il parvient à mettre dans ses intérêts la comtesse Dorimène… pardon ! nous nous trompons encore, nous voulons dire une baronne dont le marquis s’est épris dès le premier aspect. C’est contre un simple tortil de baronne que Dorimène a cette fois échangé sa couronne de comtesse. La baronne est au dernier mieux avec le marquis ; mais, par la scène suivante, on verra clairement qu’elle ne peut refuser au comte l’honnête service qu’il lui va demander.


LA BARONNE. – En vérité, le marquis fait bien les choses ; tout ici est élégance et richesse.
LE COMTE. — Ce n’est pas la première fois, je le suppose, que vous honorez ces fêtes de votre présence, madame la baronne ?
LA BARONNE. — Je n’aime point ces galas, où l’on affronte les indigestions ; mais, je l’avouerai, j’ai un faible pour la marquise, et puis je désirais avoir un entretien avec vous.
LE COMTE. — Oh ! je savais que les grandes dames comme vous, baronne, reçoivent chez elles à dîner bien plutôt que d’aller ainsi dîner chez les autres.
LA BARONNE. — Ma foi ! comte, venez chez moi demain, vous verrez si je ne sais pas faire les honneurs à mon tout.