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don Pedro s’arrache à leurs embrassemens, et la première fanfare annonce qu’il est de nouveau entre les mains des infidèles. A la seconde fanfare, peuple et soldats, la ville entière court aux remparts ; la chevelure éparse et les vêtemens en désordre, doña Sol exige qu’on aille déclarer à l’infant que de son propre sang elle paiera la mort de son fiancé. Doña Sol est la fille de l’infant ; sans aucun doute, pour ne point perdre sa fille, le traître épargnera don Pedro. Doña Sol se trompe ; le rauque son de la troisième fanfare a retenti déjà, il arrive à la ville rapide et perçant comme l’acier d’une flèche cordouane ; un cri terrible s’élance de toutes les poitrines oppressées d’horreur et d’angoisse. Tarifa sera pour toujours chrétienne ; mais don Guzman n’a plus de fils.

Voilà, il en faut convenir, une œuvre d’une donnée vraiment neuve, et dont le dénouement est original, si jamais il en fut. Sommes-nous obligé de dire quelle durable émotion ce dénouement laisse au fond de tous les esprits ? Par Don Guzman el Bueno, M. Gil y Zarate a du premier pas accompli un grand progrès littéraire ; qu’il persiste, et désormais, pour devenir populaire, le poète, chez lui, n’aura plus besoin de dénaturer l’histoire et de saper à leur base des institutions que le publiciste a toujours défendues. Il n’aura plus besoin d’emprunter le sujet et les principaux incidens de ses pièces aux poètes étrangers, à Molière, à Victor Hugo, à Schiller, à Walter Scott lui-même, comme le témoignent Un Año despues de la boda, Don Carlos el Hechizado et Rosmunda. Ce n’est point ainsi qu’autrefois l’auteur du Cid et celui de Gil Blas imitaient les vieux dramaturges de l’Espagne et ses vieux romanciers. Comme MM. de Rivas, Hartzembusch et Zorrilla, M. Gil y Zarate est certainement le petit-fils des Rojas et des Calderon. Pour la force des conceptions et l’habileté des moyens dramatiques, les uns et les autres, pourquoi ne pas le dire ? peuvent sans désavantage soutenir la comparaison avec leurs maîtres : ce qu’ils n’ont pu réinstaller encore sur les scènes de la Cruz et del Principe, c’est la fantaisie adorable des charmans génies qui ont écrit el Premio del bien hablar (le Prix du beau langage) et la Estrella de Sevilla (l’Étoile de Séville), c’est leur profond et solide bon sens. Les tragiques actuels de la Péninsule ont eu tort, nous le croyons, de renoncer tout-à-fait à cet élément comique dont les plus sombres œuvres de l’ancien répertoire abondent beaucoup trop peut-être ; ce gracioso éternel qui rebute aujourd’hui le goût délicat du public valencien ou madrilègne, il ne s’agissait point de le supprimer complètement, mais bien de le transformer. Quoi qu’il en soit, à l’exemple de MM. de