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parler grec autour de lui, de reconnaître dans les conversations d’un guide ou d’un marinier tel mot qu’il n’avait jusque-là rencontré que dans Homère. Il semble alors qu’on est réellement transporté dans la Grèce antique ; on est tenté de dire aux passans, comme Philoctète à ses compatriotes retrouvés dans Lemnos : je veux vous entendre, et de s’écrier comme lui, ô langage bien aimé ! Mais, pour se livrer à ce transport, il faudrait, dira-t-on, que ce langage fût celui des anciens Hellènes, et non pas un dérivé imparfait que défigure une prononciation bizarre. À cela on peut répondre : Quant à la prononciation, il n’y a pas de raison pour que les descendans de Périclès adoptent le système qu’un savant Hollandais a imaginé au XVIe siècle. Du reste la question est délicate et ne saurait être traitée ici. Qu’il suffise d’affirmer que plusieurs règles de prononciation, adoptées par les Grecs modernes, remontent à la plus haute antiquité, et que l’on trouve déjà dans le second siècle de notre ère des exemples de l’iotacisme, c’est-à-dire de ê, ei, oi, prononcés i, bien que l’iotacisme ne paraisse avoir été définitivement et complètement constituée qu’au Xe ou XIe siècle.

L’iotacisme, d’ailleurs, n’est pas toute la prononciation grecque. Sous d’autres rapports, la prononciation du grec moderne est certainement conformé à la prononciation antique là où la nôtre ne peut se flatter d’avoir cet avantage. Les Grecs ont fidèlement conserve à l’accent sa place véritable dans des mots où nous reproduisons les déplacemens introduits dans l’accentuation grecque par la prononciation latine[1]. En somme, il y a profit à suivre une prononciation vivante, bien que les siècles aient pu altérer le type antique d’où elle provient. Cette méthode sera toujours préférable à un système purement arbitraire, et l’on sera toujours plus près d’Homère et de Sophocle en prononçant le grec comme un mendiant d’Athènes qu’en le prononçant comme un helléniste de Rotterdam. Le grec moderne n’est pas un idiome qui diffère du grec ancien, comme l’italien ou le français du latin. Le grec moderne, est seulement un grec fort altéré ; le sens de plusieurs mots a changé, un certain nombre d’expressions ont péri, la grammaire s’est appauvrie, elle a perdu plusieurs de ses formes. Deux surtout sont regrettables : l’infinitif, que remplace aujourd’hui le subjonctif précédé de la conjonction que ; ex. : je veux que j’aime, pour je veux aimer ; et le datif, auquel on substitue l’accusatif précédé d’une préposition qui correspond à la préposition à en français.

  1. Leake, Researches, p 205-220.