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un matériel considérable, le château, de San-Joao da Foz, qui commande l’embouchure du Douro, et livrant la position du couvent de la Serra, qui domine, la ville. Dom Pedro entra le jour même, et sans coup férir, dans Oporto, et la cité, constitutionnelle par excellence l’accueillit avec enthousiasme. On voit par le trait que nous venons de citer ce que dom Miguel était en droit d’attendre de l’aptitude de ses généraux. Il faudrait chercher long-temps dans les annales militaires des peuples pour trouver un pareil exemple d’héroïsme ; mais, ajoute l’auteur de l’ouvrage sur le Portugal, de semblables faits se sont renouvelés si souvent durant le cours de cette campagne, qu’on finit par ne plus s’en étonner.

Heureusement la fortune du Portugal devait trouver des représentans plus dignes, chez les hommes du parti de la reine, Ici, nous le savons, la faiblesse et l’apathie du vaincu peuvent rendre contestable la gloire du vainqueur ; mais n’oublions pas qu’en cette guerre, s’il y eut des rencontres déplorables, les engagemens sérieux ne manquèrent point : d’ailleurs la part que les Terceira et les Palmella prirent à la révolution, terminée par la venue de dom Pedro, datait de loin. Et dans cette, conviction qui brave tout, l’exil et les privations ; dans cette persévérance audacieuse qui ne se lasse pas de revenir à l’assaut et court au-devant du péril sans compter ses ressources, il y a, quoi qu’on puisse dire, un certain élan chevaleresque des temps illustres. Le maréchal duc de Terceira, après avoir passé alternativement, et sous le nom de comte de Villa-Flor, du service du Brésil au service du Portugal, se trouvait à Lisbonne, en 1828, lorsque le retour de dom Miguel le mit en demeure de quitter la place. La même année, il prit part à l’insurrection d’Oporto qui se termina par la défaite des troupes constitutionnelles. A peine arrivé en Angleterre, le comte de Villa-Flor n’eut rien de plus pressé que de se concerter avec le duc, alors marquis de Palmella, au sujet d’un nouveau plan d’opérations. Le 5 juin 1829, il s’embarque au Havre, passe à travers la flotte miguéliste, et descend accompagné de quelques officiers dans l’île de Terceira, la seule qui n’eût pas reconnu l’autorité de dom Miguel. Je laisse parler ici notre Allemand : « La situation de l’île en plein Océan, son éloignement de la mère-patrie ; et les vents, impétueux qui règnent d’ordinaire dans ces parages, ont presque toujours favorisé l’insurrection. D’âpres rochers, des cimes volcaniques dont les flancs déchirés plongent dans les flots, rendent en certains endroits l’abordage impossible. Ainsi fermée de toutes parts, l’île est réduite à ses propres ressources, qui, Dieu merci, suffisent aux besoins des habitans. Le blé, le maïs et le riz s’y récoltent en abondance, et les troupeaux réussissent au mieux. En cet étroit espace, les produits des zones les plus diverses se multiplient avec un luxe merveilleux ; l’ananas et la noix de coco, le citron, l’orange et la banane mûrissent à côté de la fraise et des autres fruits du nord. Le myrte, le frêne et le châtaignier s’y forment en bois épais ; des plaines toujours vertes, un ciel éternellement bleu, le climat le plus doux, des sources chaudes et de tièdes brises marines, 60,000 habitans,